Language

vendredi 31 octobre 2014

Sagesse Orientale : Terres de l'Islam opus 8



Apprends-moi ce que tu sais, Seigneur !
Avant même la venue des châtiments que tu as conçu, Ô Sage,
Le juste vaincra-t-il le méchant ?
Car c'est en cela que consisterait, on le sait, la réforme de l'existence.
[...]
Ecoutez de vos oreilles ce qui est le souverain bien;
Regardez d'une pensée claire les deux partis
Entre lesquels chaque homme doit choisir pour soi-même,
Veillant d'avance à ce que la grande épreuve s'accomplisse en notre faveur.

Or, à l'origine, les deux esprits qui sont connus comme jumeaux
Sont l'un le mieux, l'autre le mal
En pensée, parole, action ? Et entre eux deux
Les intelligents choisissent bien, non le sots.

Et lorsque ces deux esprits se rencontrèrent,
Ils établirent à l'origine la vie et la non-vie.
Et qu'à la fin la pire existence soit pour les méchants,
Mais pour le juste la Meilleure Pensée.
[...]
Voilà ce que je te demande, Seigneur - réponds-moi bien :
Qui a été, à la naissance, le père premier de la Justice ?
Qui a assigné leur chemin au soleil et aux étoiles ?
Qui est celui, si ce n'est toi, par qui la lune croît et décroît ?
Qui a fixé la terre en bas, et le ciel des nuées, qu'il ne tombe ?
[...]
Qui est, Ô Sage, le créateur de la Bonne Pensée ?
Quel artiste a fait la lumière et les ténèbres ?

Zoroastre ou Zarathustra VIIème siècle av JC


Il y avait Dieu et la matière, la lumière et l'obscurité, le bien et le mal, en tout les plus contraires possibles, au point de ne communiquer en rien.

Celui qui demande à rentrer en religion doit savoir que les deux principes, de la lumière et de l'obscurité, ont des natures absolument distinctes...[...]La nature de la lumière est la sagesse; la nature de l'obscurité est la sottise; dans tout leur mouvement et dans tout leur repos, il n'est aucun cas où ces principes ne s'opposent.

Mani  IIIème siècle



Les mécréants ne seront garantis contre Dieu, ni par leur richesses, ni par leurs enfants. Ils seront voués au feu pour l'éternité.
[...]
Prophète, incite les croyants à combattre. S'il se trouve parmi vous vingt combattants fermes dans la lutte, ils vaincront deux cents infidèles. S'il s'en trouve cent, ils en vaincront mille, car leurs adversaires sont des gens qui ne comprennent pas.
[...]
Craignez Dieu et soyez convaincus qu'il est implacable dans ses sanctions.
[...]
Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des qualités par lesquelles Dieu vous a élevés les uns au dessus des autres et en raison des dépenses qu'ils prélèvent sur leurs biens au profit de leurs femmes.
[...]
Si vous craignez d'être injustes envers les orphelins, craignez également d'être injuste à l'égard des femmes. Épousez deux, trois ou quatre femmes parmi celles que vous trouverez agréables. Si vous craignez de ne pas être équitable envers elles, n'épousez qu'une femme, ou encore une esclave en votre possession plutôt que de vous charger de famille.
[...]
Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de ramener leurs voiles sur elles. Ce sera pour elles le moyen le plus commode de se faire connaître et de ne pas être offensées. Dieu est plein d'indulgence et de compassion.
[...]
Croyants, repentez vous tous à Dieu pour que vous soyez heureux.

Mahomet  VIème siècle



Tu habites là, dans mon cœur, où résident, venant de Toi, des secrets. Bienvenu sois-tu, pour cette demeure! Bienvenu, plus encore, pour qui l'avoisine ! Car en dedans, nul n'y est plus que Toi-même, suprême secret que j'y devine. Ah ! regarde de Tes propres yeux, dans la maison y a-t-il encore un intrus ?[...] Me voici consentant, si tu veux, à ma mort, désormais, cher meurtrier, ce que fixe Ton choix, cela, je le choisis.
[...]
Les états d'extase divine, c'est Dieu qui les provoque tout entiers, quoi-que la sagacité des maîtres défaille à le comprendre.
L'extase, c'est une incitation, puis un regard [de Dieu] qui croît et flambe dans les consciences.
[...]
Unifie-moi, ô mon Unique, en me faisant vraiment confesser que Dieu est Un, par un acte où aucun chemin ne serve de route ! Je suis vérité en puissance, et comme la Vérité en acte [al Haqqu] est son propre potentiel, que notre séparation ne soit plus !
[...]
Ô toi qui poses des questions sur notre aventure; si tu nous avais vus, tu ne nous différencierais plus, je suis devenu Celui que j'aime, et celui que j'aime est devenu moi; nous sommes deux esprits, infondus en un [seul] corps pour nous, depuis que nous sommes en confiance mutuelle , les gens mettent notre légende en proverbes, lorsque tu m'as aperçu, tu L'a aperçu[...]. Son esprit est mon esprit, et mon esprit est Son esprit; nous sommes deux esprits vivant en un [seul] corps.

Hallaj  IXème siècle



Et voilà ce qu'est le bonheur : il consiste en ce que l'âme humaine parvienne à l'extrême perfection de l'existence, de sorte qu'elle n'ait plus besoin de matière pour subsister.

Al-Farabi  IXème siècle



L'Etre nécessaire connaît toutes choses telles qu'elles sont et Il les connaît par la totalité de leurs causes - et cela parce qu'il connaît les choses non par les choses mais par Lui-même, du fait que toutes procèdent en Lui et que leurs causes procèdent aussi de Lui. Donc en ce sens, Il est sage et Sa sagesse est identique à Sa science.

EXAMEN DU FAIT QUE LE PLAISIR SUPRÊME
ET LA PLUS GRANDE FÉLICITÉ
SONT L'UNION A L'ÊTRE NÉCESSAIRE,
BIEN QUE, POUR LA PLUPART,
LES HOMMES S'IMAGINENT
QUE D'AUTRES CHOSES SONT PLUS AGRÉABLES.

Avicenne XIème siècle



L'univers, en la totalité de ses parties, est une seule nature, parce que l'agent de toutes les parties de l'univers est Un, quand bien même à chacune de ces parties s'applique u nom différent selon son activité. De même, l'âme du microcosme est une; pourtant ses actes, dans ce microcosme, selon les instruments qu'elle emploie, sont multiples.
[...]
N'aie nul espoir d'être guidé par ce bas-monde : c'est le diable. N'en attends nul bon fruit : pas plus qu'un platane, il n'en donnera.[...] Ta vie précieuse est une dette que tu contractas envers Dieu
[...]
Ô toi qui te laisse séduire par argent, pouvoir et jeunesse, tu n'as pas lieu de tirer gloire de ces trois choses, nullement. S'enorgueillir de sa beauté, de son argent convient aux femmes; la gloire est, pour toi et pour moi, savoir, jugement, dignité.
[...]
Le vrai chevalier, c'est celui qui prend pour coursier l'éloquence; on ne devient pas chevalier parce que l'on monte un cheval. Ma poésie est comme un arbre fameux, dont les fleurs et les fruits seraient aux yeux de la raison subtilité et sens caché.

Nasir  XIème siècle


Aujourd'hui tu n'as pas accès à demain
et le souci que tu t'en fait n'est que chimère.
Si ton cœur est sage, ne gâte pas ce souffle présent,
car ce qui reste de vie est le seul bien précieux.
[...]
De la Terre à Saturne,
j'ai résolu tous les problèmes,
j'ai évité pièges et embuscades,
j'ai défait chaque nœud, sauf celui de la mort.
[...]
De tous ces voyageurs sur cette longue route, qui donc est revenu pour dire son secret ? Au bout de ce chemin de désir et de peine, holà! ne laisse rien : tu n'y reviendras plus !

Khayyam XIIème siècle


[...]
En effet, ce qu'exige l'extrême amour de Dieu Très-Haut, c'est que celui qui se connaît lui-même connaisse son Seigneur et sache parfaitement qu'il ne saurait exister par lui-même, en lui-même. Assurément, son existence elle-même, la durée de son existence, la perfection de son existence sont de Dieu, pour Dieu, par Dieu. C'est Lui qui a crée, pour Lui, l'existence, c'est Lui qui le fait subsister, c'est Lui qui rend parfaite son existence en créant les attributs de la perfection [...].
Si celui qui s'aime se connaît lui-même, il saura que son existence ne tire pas sa plénitude d'un autre que Lui. C'est une nécessité qu'il aime celui qui crée la plénitude de son existence et la fait persévérer.[...] S'il ne L'aimait pas ce ne pourrait être que par ignorance de soi-même et de son Seigneur; L'amour est le fruit de la connaissance.
[...]
Et ce qui est connu de plus élevé, c'est Dieu Très Haut, et sans aucun doute, la science la plus belle, la plus excellente est la connaissance de Dieu Très Haut.
[...]
Celui qui scrute la vérité à partir des mots peut être désorienté par la multiplicité des expressions et s'imaginer qu'ils s'appliquent à des réalités également multiples. Mais celui à qui la vérité s'est révélée clairement considère essentiellement les réalités, et les mots pour lui sont secondaires. Pour celui dont l'intelligence est plus faible, c'est l'inverse, car il part des mots pour trouver la vérité.
[...]
Jeune homme ! Ne sois pas avare d'actes vertueux ni d'états mystiques, et soit sûr que la science théorique n'apporte aucune aide.
Jeune homme ! Connaissance sans pratique est folie ! Pratique sans connaissance, inutilité.

Al-Ghazali  XIème siècle



[...]Ou encore un homme qui pendant dix jours a eu soit, à quel point lui faut-il, d'entre toutes les choses, de l'eau ?
Il faut que l'homme ait à ce même point besoin de Dieu pour que les mystères lui soient révélés.
[...]
Poursuivre tantôt un désir, tantôt un autre n'est qu'égarement.

Une pierre et une motte de terre tombèrent un jour dans la mer.
La pierre se mit à gémir : "Hélas ! me voilà noyée ; je ne pourrai me plaindre qu'au fond de la mer."
La motte, elle, s'anéantit ; je ne sais ce qu'elle devint.
Sans langue, elle, parla, et les initiés l'entendirent lorsqu'elle dit : "Il ne reste plus rien de mon moi dans les deux mondes. De mon être il ne subsiste pas la moindre parcelle. On ne verra plus mon âme ni mon corps ; tous deux sont fondus dans la mer qui, elle, est clairement visible. Si tu prend la couleur de la mer tu deviendras dans son sein la perle qui brille dans la nuit. Mais tant que tu demeures attaché à ta personne tu ne possèdes ni âme ni sagesse."
[...]
Tant que le bien et le mal t'accompagnent, tu n'auras ni un cœur clairvoyant ni une âme consciente ;
Mais lorsqu'ils t'auront quitté l'un et l'autre, ton âme sera absorbée dans le secret de la sainteté.
[...]
Puisqu'il y a unité, il ne peut y avoir dualité ; là ni le moi ni le toi ne peuvent surgir.

Attar  XIIème siècle

vendredi 24 octobre 2014

Sagesse Orientale : Le Japon opus 7



Lorsque je réfléchis à ce que doit être un samouraï, je suis convaincu qu'il doit être intime avec l'idée de la mort, mais la voie de la mort  n'est pas le seul fait des samouraïs.
[...]
Tant que l'on ne connaît pas la Voie véritable,  chacun croit avancer sur le bon chemin et se croit dans le vrai sans s'appuyer sur les lois du Bouddha ni les lois de la terre. Mais lorsque nous les regardons avec les yeux de la Voie véritable de l'esprit et selon les grandes règles du monde humain, on les voit trahir la Voie véritable à cause de leur propre égoïsme et de leur mauvaise vue. Connaissez l'Esprit ! Reposez-vous sur le domaine franchement juste ! Faites de l'esprit réel la Voie ! Pratiquez largement la tactique ! Ne songez qu'à la justice, à la clarté et à la grandeur ! Faites du vide la Voie ! Et considérez la Voie comme "vide" ! Dans le "Vide" il y a le bien et non le mal. L'intelligence est "être"; Les principes sont "être". Les voies sont "être". Mais l'esprit est "Vide".
Ceux qui veulent connaître ma tactique doivent obéir aux principes suivants selon lesquels ils peuvent pratiquer la Voie :
1) Eviter toute pensée perverse.
2) Se forger dans la Voie en pratiquant soi-même (et non par le jeu des idées).
3) Embrasser tous les arts (et non se borner à un seul).
4) Connaître la voie de chaque métier ( et non se borner à celui que l'on exerce soi-même).
5) Savoir distinguer les avantages et inconvénients de chaque chose.
6) En toutes choses s'habituer au jugement intuitif.
7) Connaître d'instinct ce que l'on ne voit pas.
8) Prêter attention aux moindres détails.
9) Ne rien faire d'inutile.
[...]
Si nous possédons bien cette tactique, même seuls face à vingt ou trente adversaires, ceux-ci ne pourront venir à bout de nous.

Le traité des cinq roues  XVIème siècle


[C'est l'ermite Ultra-Vide qui parle] :
Ne blessez pas les insectes là où vous posez les pieds et les mains ; ne projetez ni sperme ni humeurs hors de votre corps. Éloignez celui-ci des puanteurs et de la poussière ; coupez dans votre esprit la convoitise et les désirs égoïstes. Cessez de regarder les choses se trouvant au loin, ne permettez pas aux bruits de pénétrer vos oreilles, cessez les bavardages oisifs, ne laissez pas les épices entrer en contact avec votre langue. Développez piété filiale et loyauté, bienveillance et compassion. D'un coup de pied, rejetez au loin les richesses, comme on se débarrasse d'une écharde ; face aux honneurs du rang, ayez l'attitude qu'on a quand on se sépare d'un soulier de paille usé. Que les regards que vous portez sur les femelles aux hanches fines soient les mêmes que ceux portés aux démons, et que celui qui s'attache aux rangs et salaires soit semblable au rat en décomposition. Soyez calmes et sans agir ; tranquilles et sans désirs. Diminuez le nombre de vos actes. Quand vous aurez réalisé cela, l'étude sera facile.
[C'est le moinillon Nom d'Emprunt qui parle] :
[...]
Le filet des constances fut révélé par Confucius :
Qui s'y conforme peut entrer dans le gouvernement ;
Lao-Tseu enseigna la loi des métamorphoses ;
Qui la suit parvient au pinacle sublime.

La loi du véhicule unique du Mahayana
Contient un sens infiniment profond et mystérieux;
Cumulant le salut pour soi et pour les autres
Elle n'oublie ni les oiseaux, ni les animaux.

Kukaï  VIIIème siècle



La mise en mouvement de la grande Roue de la Loi tient [...] dans un grain de poussière. Aussi la devise "l'esprit en tant que tel est le Bouddha" n'est-elle que le reflet de la lune dans l'eau. De même, le principe selon lequel "en s'asseyant on devient Bouddha" n'est qu'un reflet dans un miroir. Ne vous laissez pas prendre au piège des mots. En recommandant, comme je le fais maintenant la pratique qui consiste à réaliser directement l'éveil, je vous indique la Voie profonde transmise directement par les Bouddhas patriarches, pour vous aider à devenir d'authentiques adeptes de la Voie.
D'autre part, pour recevoir et transmettre la Loi bouddhique, il faut prendre pour maître quelqu'un qui ait parfaitement réalisé.
[...]
Apprendre la Voie bouddhique, c'est s'apprendre soi-même. S'apprendre soi-même, c'est s'oublier. S'oublier, c'est être attesté par tous les dharmas. Etre attesté par tous les dharmas, c'est dépouiller corps et esprit, pour soi-même et pour les autres. C'est voir disparaître toute trace d'éveil, et faire apparaître constamment cet éveil sans trace.
Qui s'enquiert de la Loi bouddhique s'en trouve aussitôt éloigné de mille lieues. Mais lorsque la Loi lui est transmise correctement, il est sur-le-champ un homme à part entière.

Dogen  XIIIème siècle



Ou placer l'esprit ? Si on place l'esprit dans un mouvement physique de l'adversaire, il s'y prend. Si on le place sur le sabre adverse, il s'y prend. Si on le place dans la volonté de pourfendre l'adversaire, il s'y prend.[...] En tout cas, il n'y a aucun lieu où placer l'esprit.[...]
Alors, où placer l'esprit ? Je répondis : "Si vous ne le placez nulle part, il remplit votre corps entier et il s'étend à la totalité de votre corps.[...] Rendez l'esprit omniprésent dans votre corps, ne le fixez pas sur un endroit, mais servez-le convenablement à chaque endroit."
Il faut faire toutes choses en faisant disparaître totalement les pensées. C'est du niveau de l'expert.[...]
Tant qu"on ne peut pas oublier totalement ces pensées [faire attention à ses pas] , on ne peut prétendre à la totale possession de cet art [la danse].
[...]
Qu'on ne se réjouisse pas de la victoire et qu'on ne se fâche pas d'avoir perdu ! Il faut avoir cet esprit. Ne vous engagez pas dans un conflit en rêve et devenez un homme qui ne gagne ni ne perd...
[...]
Si on comprend la Voie, l'intelligence se manifeste dans tous les domaines.
[...]
J'ai compris cette opération spirituelle et je ne m'occupais ni de victoire, ni de perte. Je traitais tout incident l'esprit tranquille. Ainsi, j'ai échappé à des assassins et à des violents, ou bien j'ai pris en charge des situations difficiles. J'étais dans cette tranquillité spirituelle grâce à deux voies : celle de l'escrime et celle du zen.

Takuan  XVIIème siècle


Les êtres sensibles sont, à l'origine, tous des bouddhas :
C'est comme la glace et l'eau,
Sans eau, il ne peut y avoir de glace ;
Sans êtres sensibles, où trouvons-nous les bouddhas?
Ignorant que la vérité est toute proche,
Les gens la cherche bien loin - quel dommage !
Ils sont comme celui qui, au milieu de l'eau,
Crie de soif, suppliant qu'on lui apporte à boire;
Ils sont comme le fils d'un homme riche
Qui se promène parmi les pauvres.
[...]
De la pratique de la méditation proviennent les vertus de perfection telles que la charité, la moralité, etc.
[...]
Même si l'on s'entraîne une seule fois à la méditation assise,
On verra le mauvais karma volatilisé;
Nulle part on ne trouvera plus les chemins du mal
[...]
Ceux qui, ainsi retournés en eux-même, témoignent de la vérité de la Nature Propre,
Et de la vérité que la Nature Propre est une non-Nature,
Ceux-là auront vraiment dépassé le domaine de la sophistique.
[...]
Devant eux s'ouvrent les portes de l'unicité de la cause et de l'effet,
Et se déploie le chemin de la non-dualité et de la non-trinité.
[...]
Ils restent pour toujours immobiles;
Ils saisissent la non-pensée qui se trouve dans les pensées,
[...]
La Vérité éternellement paisible se révèle à eux,
Et cette terre est devenue le Pays de Lotus de Grande Pureté
Et ce corps-ci est le corps de Bouddha
[...]
Si l'on me demande : "Qu'est le véritable esprit de méditation ? " je répondrai qu'il consiste à maintenir en tout temps un cœur bienveillant et compatissant [quelles que soient les circonstances].
[...]
L'art de conserver la vie est comparable à l'art de protéger un pays. Ce que nous appelons "l'esprit" serait le prince, ce que nous appelons "l'âme" serait un ministre d'Etat et ce que nous appelons "la pensée" serait la population. Tout comme la population est le moyen de perfectionner l'Etat, le soin porté au traitement de l'âme et de la pensée est le moyen de perfectionner le corps. Quand le peuple est mené à la dilapidation, le pays périt. Quand la pensée est exténuée, le corps meurt. C'est pourquoi un prince sage met au fond de son propre cœur [ses désirs].

Quand, dans le bas de l'abdomen, tout est établi aussi immuablement qu'un rocher, avec une persistance intense, alors on n'y trouvera pas un iota de pensée illusoire, pas un atome de désir ou de convoitise[...]. Alors, le ciel et la terre sont à vos ordres, l'univers est le coursier que l'on monte[...]. Bouddha lui-même ne pourrait insérer ses mains à l'encontre d'un tel homme[...]. jour après jour, celui-là pourrait accomplir dix mille bonnes œuvres sans fatigue. On l'appellera un enfant reconnaissant du Bouddha.

Hakuin  XVIIème siècle 


Quand donc l'Occident comprendra-t-il, ou essaiera-t-il de comprendre l'Orient ?
[...]
N'est-il pas étrange, en tout cas, que de si loin l'humanité se soit rencontrée autour d'une tasse de thé ? Voilà le seul cérémonial asiatique qui emporte l'estime universelle. L'homme blanc a raillé notre religion et notre morale, mais il a accepté sans hésitation le breuvage doré.
[...]
Tous nos grands maîtres de thé furent des adeptes du Zen et ils s'efforcèrent d'introduire dans les choses actuelles de la vie l'esprit du Zennisme. Aussi la Chambre de thé et tous les objets nécessaires à la cérémonie du thé sont-ils comme le reflet des doctrines Zen.

Okakura  XIXème siècle



"Je découvris que la Voie du samouraï, c'est la mort".
[...]
"Il est donc essentiel de faire les choses de façon convenable en toute époque".
[...]
Depuis les temps anciens, les samouraïs ont presque tous été des non conformistes, fermes dans leurs dessins et courageux.
[...]
L'image qui a longtemps enrichi l'art japonais n'est pas celle d'une mort rude et sauvage, mais celle d'une mort par delà laquelle jaillit une source pure qui ruisselle constamment sur notre monde en minces filets purificateurs.
[...]
Même le suicide, qui est apparemment la manifestation ultime du libre arbitre, laisse, dans le processus même qui rend la mort inévitable, un rôle au destin, sur lequel personne n'a de prise.
[...]
A en croire certains, mourir sans avoir accompli sa mission, ce serait mourir en vain.
[...]
"La Voie du samouraï est une passion pour la mort. Il arrive que dix hommes ne puissent venir à bout d'un seul s'il est possédé d'une telle passion".

Mishima XXème siècle



L'essence de la sagesse peut être trouvée par la concentration sur le vide omniprésent, pur et silencieux où tout est vérité.

Le secret du Zen consiste à s'asseoir, simplement, sans but ni esprit de profit, dans une posture de grande concentration.Cette assise désintéressée est appelée za-zen, za signifiant s'asseoir, et zen méditation, concentration. L'enseignement de la posture, qui est transmission de l'essence du Zen, a lieu dans un dojo (lieu de la pratique de la Voie). Il est le fait d'un maître, initié traditionnellement, dans la lignée des patriarches et du Bouddha. La pratique du za-zen est d'une grande efficacité pour la santé du corps et de l'esprit.[...] Le Zen ne peut être enfermé dans un concept, ni rendu par la pensée, il demande à être pratiqué ; c'est, essentiellement, une expérience.
[...]
Ici et maintenant, notion clef; l'important est le présent. La plupart d'entre nous avons tendance à penser anxieusement au passé ou à l'avenir, au lieu d'être complètement attentifs à nos actes, paroles et pensées du moment. Il convient d'être complètement présent dans chaque geste; se concentrer ici et maintenant, telle est la leçon du Zen.
[...]
Le Maître Zen comprend dès la première parole et par le ton de la voix. Le langage n'est pas si important.[...] Le langage peut tourner en vaines discussions, c'est pourquoi le Maître Zen a toujours un bâton !
Ne pas laisser de traces par le langage.
Le silence est ce qu'il y a de mieux.
[...]
Dans notre soto Zen, l'essentiel est de voir dans l'ego vrai, l'ego naturel, l'esprit pur, l'ego pur. Sur le kyosaku, le bâton de méditation, il est écrit : "Nous devons voir en notre vrai nous-même; c'est à dire voir en vérité , dans notre esprit"
[...]
Ainsi l'esprit devient ataraxique, c'est à dire sans trouble, calme, non entravé par les conventions, non esclave d'une formule; il devient ouvert, libre, non gêné par les formalités, il agit ouvertement, franchement, indépendamment, il devient innocent, naïf, simple, mais non insensible. L'esprit devient inépuisable, intarissable, illimité. Il accède au désintéressement mais ne tombe pas dans l'oisiveté. Il ne s'attache plus à rien, il a rompu l'attachement à la vie, aux biens et aux circonstances de la vie et, comme il a déjà été dit, il abandonne toutes choses et il obtient toutes choses, car le rien est inépuisable : mu ichimotsouchu mujinzo.
[...]
Cette attitude scientifique, attitude spécifiquement occidentale et qui mène à une connaissance discursive, est une fonction du cortex, la matière grise du cerveau, et cette connaissance, qui n'est que relative, n'a rien à voir avec la sagesse. C'est uniquement une connaissance de relation et de mémoire.
Le satori, vérité absolue, a pour moyen, pour siège, la région centrale du cerveau ou centrencéphale.
Evidemment, les fonctions de cette région limité ne sont pas la sagesse illimitée, car Prajna est illimitée : le centrencéphale est la porte de Prajna.
Par le za-zen, les activités du cortex, de la matière grise s'assoupissent, et le centrencéphale peut alors fonctionner, se développer, permettant d'atteindre la connaissance illimitée. Za-zen est donc absolue vérité et non vérité relative. Pratiquer za-zen, c'est atteindre le satori.
[Parlant du nucléaire] Pourquoi la science a-t-elle conduit à cet énorme danger ? Parce qu'elle a commis la faute de séparer la matière du temps et de l'espace, alors qu'en réalité les trois sont unis.

Deshimaru XXème siècle
  

samedi 18 octobre 2014

Sagesse Orientale : Le Tibet opus 6



"Noble fils, maintenant que ta respiration a presque cessé, [...], ne laisse pas ta pensé se distraire!" si le mourant était un frère spirituel ou quelque autre personne, on l'appelle par son nom en lui disant : "Hélas, maintenant que pour moi est venue l'heure de la mort, je ne veux, grâce à l'avantage de cette mort, qu'éveiller en moi l'amour, la compassion, et la disposition d'esprit de l'éveil. Puissé-je, pour le bien de tous les êtres qui s'étendent jusqu'aux confins de l'espace, atteindre le parfait éveil de Bouddha.""
[...]
Si tu dois renaître parmi les dieux, à ce moment-là le monde des dieux t'apparaîtra.

Le Bardo Thodol (Livre des Morts)  VIIIéme siècle


Les sens et leurs objets par nature sont vides;
Peu importe, pauvres ombres affamées
Que vous ricaniez d'un yogi tel que moi,
Si la loi de cause à effet est véridique,
Vous avez accumulé des causes
Créant des effets maintenant à maturité.
Quelle tristesse que ces êtres partis pour des mondes infernaux!
Misère hélas pour ces larves avides!
Quelle pitié de ne pas connaître
La signification et la non-existence de toutes choses!
[...]
Les ressources du bouddhisme tantrique,
Les instructions individuelles du Lama,
L'endurance personnelle pour la méditation,
Voilà les trois grandeurs.
[...]
Vous aimez aujourd'hui sur vos épaules
L’amoncellement des honneurs
Mais souvenez-vous qu'à la mort
Vous partirez sans protection ni refuge.

Vous aimez aujourd'hui la profusion
Des liens de famille et de voisinage.
Mais souvenez-vous qu'à la mort
Vous vous séparerez des parents, des amis.

Vous aimez aujourd'hui accumuler
Richesses, fils, assistants, serviteurs.
Mais souvenez-vous qu'à la mort
Vous partirez nu, les mains vides, démuni.
[...]
J'ai agi selon la Loi en vous rappelant tout cela.
Parce que je n'ai nulle activité mondaine, je suis heureux.

Milarepa  XIème siècle



La vraie pratique de Dharma est intérieure ; c'est un esprit paisible, ouvert et généreux, un esprit que l'on a su dompter, qui est complètement contrôlé.
Si même l'on pouvait réciter par cœur tout le Tripitaka, mais qu'on soit égoïste et qu'on fasse du mal aux autres, on ne pratiquerait pas le Dharma.
La pratique du Dharma est celle qui permet d'être vrai, fidèle, honnête, humble..., d'aider et de respecter les autres et de se sacrifier pour eux. Chercher à accumuler des possessions ou à obtenir un meilleur niveau social n'amènera ni confiance ni paix.
[...]
Lorsque nous mourrons, nous devrons tout laisser derrière nous, même les plus solides placements bancaires qui nous aurons donné tant de soucis. Nous devrons aussi laisser nos parents, nos amis.
[...]
Discipliner son esprit, renoncer au superflu, vivre en harmonie avec les autres et avec soi-même nous assurera le bonheur, même si notre vie quotidienne est médiocre, même si nous tombons dans la misère, car nous aurons été bons et bienveillants et les autres nous aideront : nous ne devons pas oublier que dans l'être humain le plus perverti et le plus cruel, tant qu'il est un être humain, existe une petite graine d'amour et de compassion qui fera de lui, un jour, un Bouddha.

Il est possible pour chacun de pratiquer le Dharma.[...] Il faut avoir l'esprit noble, bienveillant, ouvert, pas agité, ni combatif et qui permettra, quand les circonstances extérieures seront propices, d'avancer plus rapidement sur le chemin.[...] [Mentir est une tendance karmique] ; il faut s'en défaire petit à petit et ne pas se décourager.[...] Ne dites pas :"le Dharma est trop grand pour moi, je suis un pêcheur." Nous sommes tous de pauvres pêcheurs et nous allons pourtant dès ce soir essayer de changer un peu.

Le Dalaï-Lama  XXIème siècle

samedi 4 octobre 2014

Sagesse Orientale: la Chine opus 4



La perfection est la loi du ciel, et la perfection est la loi de l'homme.
[...]
L'homme supérieur se surveille lui-même quand il est seul.
Tant qu'il n'a pas été agité par le plaisir, la colère, la tristesse ou la joie, l'esprit se trouve en état d'équilibre.[...]L'équilibre est la racine dont sortent toutes les actions humaines dans le monde et l'harmonie est le chemin universel qu'elles doivent suivre.
Je sais pourquoi la voie du milieu n'est pas suivie : les hommes instruits la dépassent et les ignorants ne l'atteignent pas. Je sais pourquoi la voie du milieu n'est pas comprise : les hommes vertueux vont au delà, et ceus qui sont sans valeur ne l'atteignent pas.
[...]
Combien grande est la voie de la sagesse !
[...]
Se dominer soi-même et observer les convenances est la vertu parfaite.
[...]
La grande étude enseigne à mettre en lumière la lumineuse sagesse.
[...]
Pour bien gouverner un état, il est nécessaire d'abord de mettre de l'ordre dans sa famille. Il est impossible qu'un homme instruise les autres tant qu'il ne peut pas instruire sa propre famille.[...]
Cependant, par l'ambition et la perversité du seul prince, tout l'état peut être poussé au désordre.
[...]
Il n'y a que les sages de grande classe et les imbéciles de bas étages qui ne peuvent pas être changés.
[...]
Celui qui exerce le gouvernement au moyen de sa vertu peut être comparé à l'étoile polaire qui demeure en place et autour de qui toutes les étoiles tournent.
[...]
Laissez agir la vertu parfaite.
[...]
L'homme de vertu parfaite est prudent et lent dans ses paroles.
[...]
Ce que je ne veux pas que les autres me fassent, je ne veux pas le faire aux autres.
[...]
Je n'ai encore jamais vu un homme qui mette autant d'ardeur à se perfectionner que de passion pour une femme.
[...]
Ne manque pas d'égards envers les jeunes car d'eux peuvent sortir les sages des générations futures.

Confucius Vème siècle av JC 



Celui qui sait ne parle pas.
Celui qui parle ne sait pas.
[...]
On ne peut s'approcher du Tao
Ni s'en éloigner
On ne peut en tirer bénéfice
Ni lui porter préjudice
On ne peut l'ennoblir
Ni le diminuer
Ainsi est-il tenu en honneur.
[...]
Savoir
Et dire que l'on ne sait pas
Est bien.
Ne pas savoir
Et se dire que l'on sait
Conduit à la difficulté
[...]
Le sage ne rencontre pas de difficultés
Car il vit dans la conscience des difficultés
Et donc n'en souffre pas.
[...]
A gouvernement indulgent
Peuple simple.
A gouvernement sourcilleux
Peuple rusé
[...]
Qui connait la limite ?
La norme existe-t-elle ?
[...]
Ainsi le sage
Est carré mais ne tranche pas.
Est pointu mais ne blesse pas.
Il ne se développe pas au détriment des autres
Et éclaire sans éblouir.
[...]
Pour gouverner les hommes en serviteur du ciel
Il faut pratiquer la modération.
Celui qui pratique la modération
Suit la voie depuis son origine.
Suivant la voie depuis son origine
La Vertu vient en abondance à lui.
Ayant la Vertu en abondance
Il n'est rien qu'il ne puisse surmonter.
Sachant tout surmonter
Personne ne connaît ses limites
Si personne ne découvre ses limites
Il peut posséder l'Etat.
Lorsqu'il possède la mère de l'Etat
Il peut durer.
Ceci est la voie des racines profondes,
Une fermeté qui fonde
Longue vie et vision durable.
[...]
Qui connaît les autres a l'intelligence
Qui se connaît lui-même a le discernement
Qui triomphe des autres est fort
Qui triomphe de lui-même possède la force
Qui sait se contenter est riche
Qui sait persévérer est volontaire
Qui sait demeurer est stable
Qui vit la mort jouit d'une longue vie.
[...]
Qui veut briller n'éclaire pas
Qui se glorifie n'a point de mérites
[...]
Rejetée la théorie, écarté le savoir
Le peuple en tire cent bénéfices.
Rejetée la morale, écartée la justice
Le peuple retrouve amour et devoir filial.
Rejetée la malignité, écarté le profit
Et voleurs et bandits disparaissent.
En résumé :
Demeurer simple
Rester intègre
Etre désintéressé
Refréner les désirs.
[...]
L'eau est bienfaisante
Elle sert à tous sans différence
Coule où personne ne séjourne
Et se trouve toute proche du Tao.
[...]
L'action juste résulte du choix du moment.
[...]
Ne rivalisant avec personne
On reste irréprochable.
[...]
La multiplicité des êtres
Fait retour à sa racine.
Revenir à sa racine
C'est atteindre le silence.
Le silence permet de trouver son destin.
Retrouver son destin renoue avec la constance.
Renouer avec la constance amène l'éveil.
Ne pas connaître l'éveil
Conduit à la confusion.
[...]
Connaître l'éveil
Ouvre à l'impartial
L'impartial s'ouvre au royal
Le royal s'ouvre sur l'éternel
L'éternel coïncide avec le Tao
Qui fait un avec la voie du Tao
Rien ne peut l'atteindre
Même la mort.
[...]
Celui qui sait n'a pas un large savoir
Un large savoir ne connaît rien
[...]
Le sage n'amasse pas.
Accordant tout
Il reçoit encore plus.
Donnant tout
Il obtient toujours plus.
[...]
La voie du sage
Est d'agir généreusement
Sans combat

Lao Tseu Vème siècle av JC



Je n'ai pas entendu dire que les principes de l'un dépendissent des autres hommes pour se manifester.
L'homme supérieur a trois choses qui font ses délices, et gouverner le royaume n'est pas l'une d'elle.
[...]
Ce qui appartient par sa nature à l'homme supérieur ce sont la bienveillance, la droiture, le souci des convenances et la science.
[...]
L'homme bienveillant aime les autres, l'homme de convenance respecte les autres.
La tendance de la nature de l'homme est bonne, comme la tendance de l'eau est de couler vers le bas.
[...]
J'aime le poisson et j'aime aussi les pattes d'ours. Si je ne puis avoir les deux, j'abandonnerai le poisson et garderai les pattes d'ours. Ainsi j'aime la vie et j'aime aussi la justice. Si je ne puis garder les deux ensemble, j'abandonnerai la vie et choisirai la justice.
[...]
La voie du devoir se trouve dans ce qui est proche et les hommes la cherchent dans ce qui est lointain.
[...]
Celui qui a épuisé toute sa constitution mentale connaît sa nature. Connaissant sa nature, il connaît le ciel.
[...]
Tuer une personne est mal et passible de mort. Selon ce principe, tuer dix personnes est dix fois pire et dix fois autant passible de la peine de mort.[...]Toute personne instruite sait cela et condamne le meurtre comme étant mal. Cependant quand il s'agit de faire la guerre entre Etats - et par conséquent de tuer un très grand nombre de gens - ces mêmes personnes ne condamnent pas mais approuvent le meurtre et le justifient même. [...] Si une personne apercevant un peu de noir le  considère comme noir, mais voyant beaucoup de noir le qualifie de blanc, elle ne sait pas vraiment la différence entre le blanc et le noir.
[...]
Les peuples se soumettent de cœur et avec joie à celui qui les soumet par l'influence de sa vertu.
Un grand défaut, c'est d'aimer à donner des leçons aux autres.

Meng Tseu IIIème siècle av JC


Quelqu'un s'adressa au philosophe Lie-Tseu et lui demanda : "Pourquoi tenez-vous le vide en si grande estime?" Lie Tseu répondit : "Le vide n'a que faire de l'estime. Si l'on veut être sans nom, rien ne vaut le silence, rien ne vaut le vide. Par le silence et le vide, on atteint ses demeures. Mais celui qui prend, celui qui donne perd ses demeures. Quand les choses de ce monde se gâtent, il y a des gens qui s'évertuent à vouloir les réparer au moyen de la vertu, mais bien vain !
[...]
Celui qui prétend que le ciel et la terre s'abîmeront ne sait pas de quoi il parle. Celui qui prétend qu'ils ne s'abîmeront pas est également dans l'erreur. Si le monde doit finir ou non, c'est ce que nous ignorons.En tous cas que l'on prétende ceci ou cela, c'est tout un. Les vivants ne comprennent pas la mort, les morts ne comprennent pas la vie. L'avenir ne comprend pas le passé, le passé ne comprend pas l'avenir.
Que le monde ait une fin ou non, pourquoi nous encombrer de ce souci ?
[...]
Le discours parfait est sans paroles, l'acte parfait est de ne pas agir. Ce que tous les sages savent est peu profond.
[...]
Chouen questionna Tcheng en ces termes : "Peut-on atteindre le Tao et le posséder ?"
Ce sage répondit : "Ton corps même n'est pas en ta possession; comment pourrais-tu posséder le Tao?" Chouen dit : "Si mon corps n'est pas à moi, à qui donc est il ? " L'autre répliqua : "C'est là, la forme que le ciel et la terre t'ont confiée provisoirement. Ta vie n'est pas la priorité, elle est un équilibre d'éléments à toi confié par le ciel et la terre. Ta nature et ta destinée ne sont pas en ton pouvoir : c'est le ciel et la terre qui te les ont accordés. Tes fils et tes petits fils ne t'appartiennent pas, ils te sont accordés en prêt par le ciel et la terre.[...] Ciel et Terre sont des énergies Yang et Yin. Comment peux-tu te croire capable de posséder [quelque chose] ? "
[...]
Tout corps individuel, qu'il soit plein ou vide, en action ou au repos, est en constant rapport avec l'univers et en communication perpétuelle avec tous les autres êtres. C'est pourquoi, lorsque la force de l'élément sombre [Yin] est puissante, on rêvera qu'on traverse de grands fleuves et on ressentira de l'angoisse. Quand la force de l'élément lumineux [Yang] est prédominante, on rêvera qu'on franchit de grands feux et qu'on ressent une vive chaleur. Si le sombre et le lumineux sont puissant en même temps, on rêvera de vie et de mort.
Est-on rassasié ? On rêvera que l'on donne. Est-on affamé ? On rêvera que l'on prend.[...]
Ce que l'esprit d'un dormeur rencontre, c'est ce qui fait le rêve; ce qui affecte son corps, c'est la réalité.[...] C'est pourquoi aussi celui qui a l'esprit concentré voit ses vaines cogitations et ses rêves se dissiper.[...] Les hommes véritables de l'Antiquité s'oubliaient pendant la veille et n'avaient pas de rêve pendant leur sommeil.
[...]
Quand on a la possibilité de vivre et que l'on vit, c'est un bonheur accordé par le ciel. Quand vient le temps de la mort et que l'on meurt, c'est un bonheur accordé par le ciel. Si l'on peut vivre et que l'on ne vit pas, c'est un châtiment du ciel. si l'on devait mourir et que l'on ne meurt pas, c'est un châtiment du ciel.[...] Tout est destin. Comprendre ce mystère est impossible.
C'est pourquoi il est dit :
Le Tao du ciel est caché, on ne le rencontre nulle part,
Il est uni, indifférent comme le désert.
Le Tao du ciel plane partout.
La terre et le ciel ne peuvent pas le violer.
Les saints et les sages ne peuvent rien contre lui.
Les esprits et les démons ne peuvent pas le tromper.
Ce "soi-même" achève tout en silence.
Il tient tout en équilibre et en repos, il va droit devant lui.
[...]
Dans le livre de Houang-Ti, il est dit : "L'homme parfait est comme mort. Se meut-il ? C'est comme s'il était entravé. Il ignore pourquoi il est ici-bas et aussi pourquoi il ne serait pas ici-bas.[...]Sous le regard des hommes, il ne change pas son comportement extérieur. Il ne change pas davantage ce comportement quand il est à l'abri du regard d'autrui.
Solitaire, il s'en va et il vient; solitaire, il sort et il rentre. Qui peut s'opposer à ses démarches ?"

Lie Tseu IVème siècle av JC


La grande intelligence englobe, la petite intelligence discrimine ; la grande parole est éclatante, la petite parole est verbeuse.
[...]
Quand les hommes entrent en action, ils visent leurs semblables comme l'arbalète vise sa proie ; puis ils restent immobiles, ils surveillent leur victoire comme des conjurés.[...]Ils s'enfoncent sans retour dans leurs mauvaises habitudes, ils s'y étouffent est se dégradent avec l'âge, leur esprit va vers la mort, rien ne leur permet de retrouver la lumière.
[...]
Le Tao a sa réalité et son efficience. Il n'agit pas et n'a pas de forme.[...]On ne sait rien de son commencement et de sa fin...

Il est dit : "le poisson ne doit pas sortir des eaux profondes ; les armes efficaces de l'Etat ne doivent pas être montrées aux hommes." Les saints qui sont les armes efficaces de notre monde ne doivent pas être mis en lumière dans le monde.
Anéantissez la sainteté et rejetez la prudence, il n'y aura plus de grands voleurs. Jetez les jades et détruisez les perles, il n'y aura plus de petits voleurs. Brûlez les contrats et cassez les sceaux, le peuple redeviendra simple et fruste. Fendez le boisseau et brisez la balance, les gens ne se disputeront plus. Abolissez les institutions des saints rois, le peuple deviendra raisonnable.[...] Discréditez la conduite de Tseng et de Che, bâillonnez Yang et Mo, rejetez la bonté et la justice, et chacun retrouvera l'identité première.[...] Si chacun conserve sa propre vertu, les hommes ne s'égareront plus.

La femme de Tchouang-Tseu étant morte, Houei-Tseu s'en fut lui offrir ses condoléances. Il trouva Tchouang-Tseu assis, les jambes écartées en forme de van et chantant en battant la mesure sur une écuelle. Houei-Tseu lui dit :
- Que vous ne pleuriez pas la mort de celle qui fut la compagne de votre vie et qui éleva vos enfants, c'est déjà assez, mais que vous chantiez en battant l'écuelle, c'est trop fort !
- Du tout, dit Tchouang-Tseu. Au moment de sa mort, je fus naturellement affecté un instant, mais réfléchissant sur le commencement, je découvris qu'à l'origine elle n'avait pas de vie ; non seulement de forme, mais pas même de souffle.[...] Si je me lamentais en sanglotant bruyamment, cela signifierait que je ne comprends pas le cours du Destin.
[...]
Ki Sing-Tseu dressait un coq de combat pour le roi. Au bout de dix jours, on lui demanda :
- Le coq est-il prêt ?
- Non, répondit-il, l'oiseau est encore gonflé d'orgueil et sûr de son souffle.
Dix jours plus tard, interrogé de nouveau, il répondit :
- Pas encore, l'oiseau réagit encore aux autres coqs comme l'écho ou l'ombre.
Dix jours plus tard, à celui qui l'interrogea, il répondit :
- Pas encore, ses regards sont encore vifs et son souffle encore puissant.
Enfin, dix jours plus tard, il déclara :
- Le coq est à peu près prêt. Il ne s'émeut plus au chant d'un autre coq. A le voir on dirait un coq de bois. Sa vertu est parfaitement intacte; Aucun autre coq n'osera l'affronter ; tout coq lui tournera le dos et s'enfuira.

Tchouang Tseu  IIIème siècle av JC

Rechercher dans ce blog