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samedi 29 avril 2017

Humilité


L'humilité est une qualité qui tient une très haute place dans mon estime, elle fait partie, avec l'affection et l'économie, des trois trésors de Lao Tseu. Ces trois trésors permettent de mieux appréhender l'Univers à sa juste mesure, c'est à dire que sa nature n'est pas différente de la nôtre. 
Nous sommes une partie vivante de l'Univers ! On pourrait "prendre la grosse tête" avec cette prise de conscience ! Et l'on devrait voir, sur cette Terre, une multitude de Gurus mégalomanes ! Alors c'est vrai qu'il en existe quelques-uns, mais fort heureusement la majorité de ceux qui prennent conscience de cette place privilégiée dans l'Univers restent humbles. 
Cette révélation, car c'en est une, donne à celui qui la vit une joie pleine et durable, il sait qu'il n'est pas dissocié du Tout, il vit dans la plénitude de la non-dualité, il devient immortel. Mais cela ne
l'autorise pas à s'élever au dessus du Tout, il reste humble. Et cette humilité n'est pas une soumission au reste du Monde, juste la certitude d'être sur un pied d'égalité avec le reste du Monde. Et encore, cette vision est duelle, nous sommes sur un pied d'égalité avec le Monde tout simplement. 
Se sentir partout chez soi rend humble, il n'y a plus aucune nécessité de dominer qui ou quoi que ce soit, tout fait partie de la maison. Et cela donne terriblement envie d'aider les autres. C'est pourquoi l'être réalisé cherche naturellement à devenir Bodhisattva, et aide l'autre à se réaliser. Car au fond, la paix et la joie durables sont tout ce
que cherche l'homme sur cette Terre. Mais pour passer le flambeau de le réalisation, il faut être d'une humilité à toute épreuve. Car l'autre doit voir que vous vous êtes mis à son niveau pour lui faire ressentir tout ce qu'implique cette révélation, ce n'est pas le don de quelques vérités mais un échange de valeurs, et ce en toute liberté. Pour faire passer un message, il faut être proche de l'autre, sensible aux mêmes harmonies que lui, alors le message peut pénétrer la profondeur de l'être. Alors, nous sommes sur un pied d'égalité avec l'autre et nous pouvons l'aimer sans chercher aucunement à abuser de lui, c'est lui porter de l'affection. 
En outre, nous sommes conscient de la dépense d'énergie que nécessite l'action qu'aiment tant les êtres humains ordinaires. Aussi sommes-nous, comme Lao Tseu, économes et limitons-nous les dépenses qui coûtent à l'Univers. Pour le Taoïste, moins il y a de vagues, mieux c'est. Il s'agit de favoriser le retour à l'équilibre de l'Univers, retrouver la paix et l'harmonie. Ainsi donc, ne pas jouer les gros bras, rester humble.

samedi 22 avril 2017

L'expérience Mystique


Je suis mal placé pour renier les expériences mystiques, j'en ai moi-même vécu de nombreuses dont la plus marquante fut celle de ma rencontre avec le Bouddha Bleu auquel je fais souvent allusion. Mais ces expériences ont disparu de mon quotidien. Non que je ne fasse des efforts pour vivre toujours plus près du Tao, mais au contraire, je sens que la réalisation éloigne de l'aspect flamboyant du mystère: quand le mystère est percé, il n'y a plus de mystère.
En fait, que se passe-t-il ? Votre petite personne, votre ego disparaît, se dissout. Et pendant cet effondrement, votre vie découvre de nouveaux horizons, dont la plus part paraissent magiques tant ils sont simples et merveilleux, et cela peut aller jusqu'à la vision. 
Le lâcher-prise que j'ai opéré lors de ma première lecture du Tao Te King, a déclenché chez moi un rééquilibrage énergétique d'une force que je ne soupçonnai pas et qui m'a fait croire en quelque chose de surnaturel. Du reste tout n'est pas toujours rose avec les expériences mystiques, parfois l'ego s'accroche et les peurs du mental refont surface. Ainsi, peu de temps après ma rencontre du Bouddha Bleu, j'ai cru être possédé, et je fus sous l'emprise psychologique de démons, démons qui étaient la création de mon mental affolé, mais qui pour moi étaient invincibles.
Et puis, le temps aidant, on apprend a vivre en conscience, ce qui au départ parait merveilleux ou diabolique devient petit à petit naturel. Car la vision non dualiste, sans ego, est certes une révolution, mais elle est dans le fond ce qu'il y a de plus naturel. D'ailleurs les grands mystiques tels que Milarepa ont vécus leurs expériences au cours de leur réalisation, après, ils se sont pour ainsi dire, rangés. Le Christ est mort en pleine ascension... Dans le Bouddhisme Zen on a coutume de dire : Avant l'éveil, les montagnes sont des montagnes, les rivières sont des rivières, pendant l'éveil, les montagnes ne sont plus des montagnes, les rivières ne sont plus des rivières, après l'éveil, les montagnes sont redevenu des montagnes, et les rivières redevenues des rivières. Voilà, il y a une période pendant laquelle l'éveil surprend, et puis après l'organisme s'habitue et tout rentre dans l'ordre. Attention, cela ne veut pas dire que l'éveillé redevient inconscient, bien au contraire, cela signifie que l'éveillé vit en parfaite harmonie avec son monde, attentif à ce qui l'entoure prêt à aider le Tao dans son retour universel.      
Certains font de l'expérience mystique le pinacle de la réalisation. Ceux-là recherchent le mystère et adoptent des pratiques ésotériques. Je ne saurais juger le bien fondé de telles pratiques, mais ne sont elles pas adulées par un ego non encore résorbé ? Il me semble que l'être réalisé est transparent de sa personne et que cette transparence rejette naturellement tout mystère. Le Tout n'a rien à cacher au Tout.

vendredi 14 avril 2017

Le Tao, un sujet tabou


Quel bonheur de vivre le Tao au quotidien ! Apprécier les choses simples, vivre en harmonie avec la nature, se contenter de peu, ne rien attendre, communier avec l'Univers... Oui, le Tao c'est tout cela, que du bonheur simple ! Rien de révolutionnaire... Et pourtant ! Si l'on en parle à autrui sans avoir tâté le terrain, on observe une fermeture de l'autre, et de l'agressivité si l'on insiste. Il faut dire que l'on parle alors de la racine même de la vérité: le Tao, et ne dit-on pas "il n'y a rien que la vérité qui blesse " ? De plus, dès que l'on touche aux croyances, on s'adresse à la partie la plus intime des individus et la pudeur fait très rapidement surface. 
Mais alors comment partager ces choses simple avec l'autre ? Sans dire un mot peut-être, par le ressenti sans doute. Est-ce cela, devenir Bodhisattva ? Car au fond, dans le Bouddhisme on considère qu'aider l'autre dans sa réalisation est une noble tâche. Il fut même dit à Bouddha que même s'il ne sauvait qu'une âme sur mille, ses efforts ne seraient pas vains. Alors, comment communiquer sans faire du rentre dedans ? Je n'ai pas la réponse à cette question, c'est tout un art ! Le maître agit sur son disciple par des pratiques qui semblent souvent bien étranges. Et ce n'est
qu'après coup, souvent bien longtemps après que l'élève comprend les propos du maître ! L'enseignement se fait au détriment du disciple, et encore, le disciple est déjà converti ! Que faire face au profane ? Procéder par petite touche, lui faire prendre conscience de l'inutilité de ses désirs, lui faire prendre conscience du moment opportun pour agir, lui faire découvrir le Tao. 
Mais tout cela est fort délicat, même avec un ami. Peut-être vaut-il mieux rester un Ahrat (personnage réalisé qui vit sa réalisation pour lui-même), mais quel dommage de ne pas partager le plus beau des trésors. Lao Tseu lui-même a bien failli partir en Ahrat, et ce n'est que grâce à la perspicacité d'un garde barrière qui lui demanda de témoigner de sa sagesse par un écrit qui deviendra le Tao Te King que l'on sait aujourd'hui ce qu'était la voie spirituelle du vieux sage. Sans doute que le garde barrière était l'une de ces rares personnes intéressées par la spiritualité. 
Car au fond c'est bien là la première condition pour que
le courant passe : l'autre est-il intéressé par la spiritualité ? Mais cela ne suffit pas, car encore faut-il qu'il ne soit pas enfermé par la pratique de cette spiritualité, car il risque de rejeter tout autre ouverture. Il s'agit bien sûr, soi-même de rester ouvert à cette autre forme de spiritualité qui au final doit rejoindre la voie du Tao. 
J'ai un collègue et ami qui est Témoin de Jéhovah, nous partageons souvent nos vues sur la spiritualité, mais sa rigidité sur certains fondements de la Bible, comme les interdits du sang, ou la virginité de Marie, et tout ce genre de choses, l'empêchent me semble-t-il de progresser spirituellement; il est trop fier de Sa Bible. J'essaye d'être plus amène avec le Tao et cite souvent d'autres grandes voies comme le Bouddhisme, le Tantrisme,  l'Hindouisme ... Et j'en viens au fait ultime : "Pourquoi la Bible ne te conduit-elle pas à plus de réalisation ?" Et là, pas de réponse... Alors que pour moi, ce serait le début d'un échange plus profond. Dommage... 
C'est très difficile de rencontrer un être réalisé. J'ai un autre ami qui vit dans les montagnes environnantes de Montpellier, qui lui, est parvenu à la réalisation depuis bien plus longtemps que moi, c'est un homme d'une très grande profondeur, et d'une infinie générosité, c'est un bonheur que d'échanger avec lui, mais comme c'est rare ! Je ne sais si j'ai atteint une grande réalisation, mais il me semble que la voie du Tao est comparable à un cercle vertueux, qui vous conduit justement vers la Vertu au sens de Lao Tseu, c'est à dire une façon d'être plus naturelle dénuée de rigidité, adaptée à l'instant présent.
Sans doute faudrait-il que j'aille vers des endroits comme les Satsangs ou vers des temples, mais ce qui me motiverai bien plus serait de partager le Tao avec mes proches, ma femme, mes parents ou mes enfants... Mais ceux-ci sont peu ouverts spirituellement, je dois donc vivre le Tao silencieusement. Et peut-être qu'un jour, mes efforts ne seront pas vains, peut-être qu'un jour l'un d'eux s'éveillera, mais pour l'heure cela reste tabou. Pour
s'éveiller, quand on est confortablement installé dans son petit personnage égotique, il faut, je pense, faire l'expérience de la souffrance, il faut être confronté aux difficultés de l'ego, il faut que ces difficultés deviennent insurmontables, pour que le lâcher prise devienne inévitable. Lorsque ce point est atteint, le retour au Tao peut commencer. Mais un individu peut continuer à vivre avec sa souffrance ordinaire sans jamais remettre son ego en cause... Et tant que c'est l'ego qui gouverne, le Tao (et toute autre spiritualité) reste tabou.
Aussi faut-il traiter du désir de partager le Tao comme de tout autre désir : lâcher prise. Et là sans doute mon non-désir sera exaucé par les riches expériences que le quotidien n'a de cesse de nous apporter.

samedi 8 avril 2017

Le reste du désir

Après avoir chassé le gros du désir, on s'aperçoit qu'il reste toujours un désir latent. Après avoir chassé les désirs amoureux, les désirs culinaires et les désirs matériels, on s'aperçoit que le mécanisme du désir est encore là et qu'il ne demande qu'à être réveillé, ne serait-ce que par le désir d'être sans désir, le désir est encore là... Le désir d'être en bonne santé, le désir de se tenir droit, tout cela participe du désir. Mais l'énorme différence par rapport à l'homme ordinaire, c'est que le "sans désir" ne se laisse pas embarquer par le désir, il ne se laisse pas posséder par le désir. Récemment, ces six derniers mois, je me suis volontairement laissé prendre par le désir, il s'agissait
d'étudier le marché des petits et moyens 4x4 pour l'achat d'une voiture. Et le résultat est là : je ne suis toujours pas décidé; je veux toujours mieux, mais c'est toujours plus cher, et c'est mon compte en banque qui calme mes ardeurs. Sans doute que le Tao va être plus fort que mon désir, sans doute va-t-il parvenir à me raisonner, et vais-je finir par lâcher prise. Ce qui est vrai, c'est que je m'attends à cette issue, et que je ne tiens pas coûte que coûte à acheter cette voiture. Ainsi, je garde un certain degré de liberté avec ce désir.
Débarrassé du désir, il reste la vertu, et celle-ci vous pousse toujours plus loin sur le chemin de la sagesse. Après avoir appris à méditer, vous cherchez à calmer l'esprit, puis vous cherchez
une bonne posture pour le corps, vous cherchez à vous redresser, puis vous cherchez à être instinctif et ainsi de suite, il y a toujours moyen de progresser, et paradoxalement ce moyen passe par le désir.
L'ultime victoire s'obtient lorsque lâchant-prise vous devenez purement instinctif, là, il n'est plus question de réflexion, il n'y a plus de place pour le désir, vous faites corps avec vous-même et l'environnement, plus rien ne vous surprend, et pourtant vous vivez dans un émerveillement total. Rien n'est désiré, Tout est là... 

samedi 1 avril 2017

Faiblesse

Au chapitre 40 (entre autres), Lao Tseu fait l'éloge de le faiblesse en disant : "Le retour est le mouvement du Tao ; la faiblesse est le moyen dont il se sert."
Et de fait, l'homme qui suit le Tao se sent faible, vulnérable, et pourtant, il peut tout. En effet, il s'en remet au Tao, il lâche prise, et n'a donc plus aucune volonté propre, plus aucune fierté et ne met en oeuvre aucune force. La force vient des événements, du cours des choses, l'homme du Tao ne fait qu'aller dans ce sens, c'est en cela qu'il peut tout. Il peut tout le possible, l'impossible il le laisse aux autres.
L'homme du Tao a tout lâché, tout abandonné pour se consacrer à la Voie, en cela, il se sent faible, mais la découverte qu'il fait alors fait de lui le roi de l'Univers. Il n'est plus rien, et là dans son humilité, dans sa nudité, il devient le Tout, il prend conscience qu'il n'est pas séparé du Tao, qu'il peut ce que peut le Tao, c'est à dire Tout.
Tel est le paradoxe de la faiblesse et de la force. Le faible qui va dans le sens des choses l'emporte sur le fort qui se bat contre ces mêmes choses. C'est la clé des arts martiaux asiatiques ; exploiter l'énergie de l'adversaire plutôt que de le combattre. Le souple l'emporte sur le dur nous dit par ailleurs Lao Tseu, les exemples sont nombreux, le nourrisson est faible, mais il est plus vigoureux que les personnes plus âgées. Le roseau l'emporte sur le chêne ...
A l'opposé, la force, lorsqu'elle parvient à ses fins le fait au détriment de l'harmonie, les passages en force font rarement l'unanimité. Aussi, ceux qui cultivent leur force ne peuvent que rarement l'utiliser.
Ils passent pour des tyrans, des brutes, voir des idiots. A l'inverse, ceux qui laissent faire le Tao font preuve d'intelligence, d'astuce, de finesse.
C'est pourquoi, les muscles, le pouvoir, le savoir ne peuvent pas tout, la faiblesse, l’obéissance, la naïveté obtiennent souvent des résultats au combien plus précieux. De la sorte, l'homme du Tao obtient des résultats, mais il ne s'en approprie pas les mérites. Ainsi, il ne s'encombre pas, et demeure faible, prêt à la non action suivante.
L'homme qui rêve d'être le plus fort, le plus puissant, le plus érudit fait fausse route, il vaudrait bien mieux pour lui de suivre le Tao. Car le Tao use de la faiblesse pour façonner le Monde.

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