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vendredi 30 novembre 2018

Traditions


Il n'est pas un seul chapitre dans le Tchouang Tseu où l'on ne critique les rites et les traditions. Selon Tchouang Tseu, les rites et les flon-flons de la musique sont utilisés de manière hypocrite, les hommes qui les pratiquent ne sont pas sincères. Plus de deux millénaires plus tard, nos vies sont toujours rythmées par les traditions.
Le 15 août nous ne savons plus bien ce que nous fêtons, et si nous nous souvenons de Marie, nous ne savons plus très bien ce qu'il lui est arrivé à cette date. A Noël nous fêtons la naissance de Jésus Christ alors que c'est l'ancienne fête du renouveau du Soleil qui a été prise pour fêter le Christ, sa date de naissance étant trop proche de la date de sa mort fêtée à Pâques.
En réalité on s'intéresse plus à la forme qu'au fond qui est l'enseignement du Christ. Les Taoïstes ne sont pas en reste avec les traditions, ils se laissent pousser les cheveux et les coiffent en tresse, ils ont
un panthéon de Dieux et un rituel associé.
De ce point de vue, je suis bien aise d'être un Taoïste isolé perdu dans le fin fond de la France. Et ces traditions ne me font pas envie. Car cela revient à vivre dans le passé, alors que c'est le présent qu'il convient de célébrer. Le Tao est au cœur de l'instant présent ! Adopter une posture relative au traditions, c'est perdre le fil du Tao qui est lié au contexte de la vie, et à la vie elle même. Et les traditions n'apportent rien d'autre que le souvenir, un souvenir qui dévie de la vie intuitive régie par le Tao.
Alors pourquoi les traditions sont-elles si importantes aux yeux de certains ?
Et bien, l'homme aime bien se souvenir, se commémorer. Il se rend bien compte qu'il y a quelque chose d'important dans l'enseignement du Christ, l'enseignement de Bouddha ou encore dans le Tao, alors, pour attirer l'attention, on organise des fêtes, on revêt des costumes, on joue de la musique. Mais cela devient vite une mascarade, car le trait est forcé et l'on ne vit plus l'instant présent !
Au contraire, le Tao est dans la vie quotidienne, dans le bonheur simple de l'ici et maintenant. Il convient de s'adapter au contexte, de vivre le moment sans se soucier de ce que m'imposent les traditions.
Certains sont très attachés aux traditions, il faut dire qu'elles sont très souvent festives (cela attire plus le chaland). C'est un bon moyen d'attirer le curieux mais cela ne fait pas progresser sur la voie, cela ne convertit en rien. C'est en effet une effervescence autour de la voie, mais pas la voie elle-même. Comment le touriste pourrait-il retrouver l'essentiel dans ce débordement de festivité. Par
exemple à Pâques on a développé la tradition de cloches et des œufs de Pâques, quel rapport avec le chemin de croix ?
Non décidément les traditions sont trop souvent éloignées du cœur de l'enseignement, trop souvent éloignés de la voie. Pire, elles écartent du Tao qui est dans l'instant présent. Aussi, il faut en user avec parcimonie, sans perdre de vue le contexte, les événements simples de notre vie.  

vendredi 16 novembre 2018

Se torturer l'esprit




Tchouang-tseu écrit :
"Qui se torture l'esprit pour sublimer sa conduite, s'écarte du monde et a des habitudes excentriques, se fait une haute opinion de lui-même et dénigre les autres, celui-là n'a que de l'orgueil. Il n'est qu'ermite des monts et des vallées, homme qui condamne le monde. Tel est l'idéal de ceux qui aspirent à se dessécher par ascèse et à se jeter dans le gouffre.
Qui discourt sur la bonté et la justice, la fidélité et la bonne foi, la politesse et la frugalité, l'effacement et le renoncement, celui-là ne cherche que la perfection morale. Tel est l'idéal de ceux qui veulent assurer la paix du monde et améliorer les hommes en leur faisant la leçon soit en voyageant, soit en lieu fixe.
Qui se propose une haute entreprise pour acquérir un grand nom, fixe les rites entre les souverains et ses sujets, normalise les rapports entre les supérieurs et leurs subordonnés, celui-là ne veut que gouverner les hommes. Tel est l'idéal des gens de cour, qui veulent honorer l'autorité de leur prince et renforcer leur principauté, accomplir des exploits et annexer les autres pays au leur.
Qui hante les étangs ou les lacs et se plaît dans la solitude en recherchant un coin tranquille pour pêcher à la ligne, celui-là n'a pour objet que de ne rien faire. Tel est l'idéal des gens des fleuves et de la mer, qui fuient le monde et trouvent leur bonheur dans l'oisiveté.
Qui expire et aspire en soufflant fort et en soufflant faible, qui crache l'air vicié et absorbe l'air frais, qui se suspend comme l'ours et s'étire comme l'oiseau, celui-là ne cherche que la longévité. Tel est l'idéal de ceux qui veulent nourrir leur corps en l'étendant et le contractant. Peng-tsou en fournit le meilleur exemple.*
Qui a une conduite sublime sans se torturer l'esprit, qui se perfectionne sans s'attacher à la bonté et à la justice, qui se tient dans l'oisiveté sans vivre au bord des fleuves et de la mer, qui atteint un grand âge sans étendre et contracter son corps, celui-là oublie tout et possède tout. Il est paisible et immense. Il réunit en lui toutes les perfections du monde. C'est en lui que réside la voie de l'univers et la vertu du saint."

*Ce passage décrit l'expérience des hygiénistes chinois qui s'inspirent des phénomènes de la nature pour conserver leur santé et atteindre leur âge dans sa limite naturelle. 

vendredi 9 novembre 2018

Immortalité


Le temps n'existe pas, il n'est qu'un moyen de mesure  : entre deux lever de soleil, on dit qu'il s'est écoulé 24 h. Mais en réalité c'est la Terre qui a fait un tour sur elle même : où est le temps ?
Rien ne se perd, rien ne se crée, cette formule reprise par Lavoisier au Grec Anaxagore est d'une réalité jamais remise en cause. L'Univers ne fait que se transformer, rien ne disparaît, seule la forme évolue. Ainsi, tout est éternel. A l'échelle de l'Univers, rien n'es perdu. A l'échelle de l'atome tout est éternel. car la majorité des atomes ont une durée de vie infinie. A notre échelle, nous avons l'
impression d'être mortels. C'est que notre forme se transforme depuis la conception, la naissance, la vie et la mort. L'ennui est que nous nous attachons à ce corps qui se transforme. C'est la partie de nous même qui s'attache à ce corps qui craint la mort, mais si nous n'y voyons qu'une transformation nécessaire, un moyen pour l'Univers de se renouveler, nous ne nous attachons pas à ce corps. Aussi le sage cherche, contrairement à l'homme ordinaire, à se détacher de tout; des biens matériels, du savoir, des sensations, de tout. 
Ce qu'il reste, c'est la conscience, celle que nous avions à notre naissance. Et cette conscience vide de tout attachement, source de toutes les intuitions, cette conscience est la même d'individu en individu. Cette conscience est  universelle, éternelle. C'est pourquoi Lao Tseu parle d'Immortalité. Le Bodhisattva, Bouddha parvient aussi à l'éternité. Et ce Nirvana est accessible à tout un chacun, et à tout âge. Mais pour cela il faut être prêt à un lâcher-prise total.
Quand on ne vit plus pour soi, mais pour l'humanité, pour la vie, pour l'Univers lui-même, on ne se soucie plus des maigres intérêts de l'ego. Et l'Univers aime bien le repos, naturellement il retourne à l'équilibre. C'est pourquoi le sage Taoïste n'agit pas, ou plutôt agit par non-agir, en suivant
le retour à l'équilibre de l'Univers. Il ne va à l'encontre de rien, il ne force rien, il lâche prise.
Et ce qui reste n'est pas rien, au contraire c'est insondable, mystérieux ; le Tao. C'est le mystère de la vacuité Bouddhiste. Ce n'est autre que le mystère de la vie. Car sur Terre, la vie a développé des myriades de formes distinctes. Nous les côtoyons tous les jours, et ainsi ne sommes plus émerveillés par cette diversité. La vie est d'une intelligence rare, parce qu'elle fonctionne. Et ce qui fonctionne est ce qui suit le Tao. Cette intelligence de la vie est éternelle. La rejoindre est la clé de l'immortalité. Ne plus se centrer sur sa petite personne en est le moyen.

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