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vendredi 25 mai 2018

Adaptation


Dans le Tchouang Tseu, on trouve ceci sur l'adaptation :

Les animaux se fondent dans leur environnement
"L'artisan Chouei tournait des objets aussi parfaits que s'ils eussent été faits au compas et à l'équerre; son doigt suivait la forme des choses sans que sa conscience intervint. Il atteignait à une telle habileté parce que son âme, étant concentrée, était libre d'entrave.
Faire oublier l'existence des pieds, c'est l'adaptation parfaite des souliers; faire oublier l'existence des reins, c'est l'adaptation parfaite de la ceinture; faire oublier la distinction entre le pour et le contre donne la mesure de l'adaptation parfaite de l'esprit humain; ne subir aucun changement intérieur et ne pas se laisser diriger par le monde extérieur, c'est s'adapter toujours et en tous les cas, c'est posséder une faculté d'adaptation qui s'oublie elle-même."

Tchouang Tseu a remarqué que l'adaptation des choses comme un pied et son soulier fait oublier les choses. En effet, lorsque l'on marche, ce qui compte, c'est que la force que l'on applique avec le pied passe entièrement sur la route. Et pour cela il faut que le soulier soit souple comme la chair côté pied et que le soulier soit dur comme le bitume côté route, le tout avec une certaine souplesse pour autoriser le mouvement. Quand cette force passe entièrement, on oublie le soulier. Cette loi de l'adaptation est bien connue des électroniciens qui, comme moi l'utilisent tous les jours sur les composants électroniques. On sait que la puissance transmise d'un générateur à un récepteur est maximale quand générateur et récepteur possèdent la même impédance* interne. On parle
d'adaptation d'impédance. Lorsque les deux impédances sont franchement différentes, c'est le courant, ou la tension qui sont transmis, ces propriétés ont elles aussi leur intérêt. Autrement dit, l'adaptation d'impédance est comparable à la loi du juste milieu, si chère aux Lie Tchouang et Lao Tseu ! C'est une loi universelle, et qui vaut donc pour l'esprit humain lorsqu'il pèse le pour et le contre, et la flexibilité de l'homme pour ne pas se laisser influencer par le monde extérieur. Lorsque l'homme non-agit de la sorte, il s'adapte à la vie, et ce sans aucun effort, en oubliant même son art de l'adaptation.

Ainsi le potier n'ayant plus aucune volonté de modifier la forme laisse cette forme venir d'elle même, et épouser celle de son esprit. C'est l'adaptation parfaite entre l'artisan et sa création. 

*En fait les impédances sont complexes-conjuguées (précision pour les puristes)/

vendredi 18 mai 2018

Souvenez vous


Souvenez-vous, essayez de remonter dans le temps, le plus loin possible, vos premiers souvenirs, ceux où vous étiez presque nourrisson. Peu de souvenirs vous reviennent ? Et pour cause, c'était une époque où vous étiez encore presque vierge de désirs, une époque où tout ce qui comptait pour vous c'était de savoir votre mère proche de vous. Ce désir était vital, et c'est pourquoi il fut le premier à apparaître mais pour le reste, vous n'aviez pas encore de désir. Et vous n'étiez pas paniqué, au contraire, vous étiez confiant. Parce qu'une force tranquille, celle de la vie était présente en vous. Cette présence vous rassurait, vous ne la polluiez pas encore avec les tracas de ce qui est devenu votre vie quotidienne. Et cette présence de la vie est un trait d'union entre tous les hommes, mais aussi tous les êtres. C'est ce qui nous donne foi à aller de l'avant. Nous l'avons encore, il s'agit juste de chasser les pensées qui envahissent notre quotidien. Faites-en l'expérience, chassez ces pensées. Vous y êtes ? Que reste-t-il ? RIEN, seulement cette conscience d'être là, vivant, et cette connexion au vivant. Pour prendre une image, cette connexion était celle d'Adam et Eve avec Dieu au jardin d'Eden. Et le serpent représente le désir et le fruit défendu le savoir. Alors pourquoi ne pas rendre à Dieu ce fruit défendu et retrouver
le paradis ? C'est ce que propose Lao Tseu en abandonnant les désirs. Bien sûr Lao Tseu n'a pas besoin de Dieu pour aborder le mystère de la vie, il le fait très bien avec le Tao, mais c'est une image. Cette connexion avec le mystère de la vie, nous l'avons tous, et c'est celle-là qu'il nous faut cultiver si nous voulons être heureux. Et au plus profond de nous nous savons que cette connexion ne nous demande rien. Aussi, Lao Tseu nous propose d'imiter le Tao, il nous propose de ne rien demander, de ne rien désirer. Cette attitude passive n'est pas la plus simple, elle demande un certain effort, tant l'ego et ses désirs sont puissants.
L'homme fatigué, blessé, malade, face à la mort, est contraint de lâcher prise, de tout laisser d'abandonner. Il retrouve alors ce contact ténu avec le mystère de la vie, et il retrouve souvent de nouvelles ressources, insoupçonnées, qui lui donnent droit à un nouveau départ. J'ai connu une telle
maladie, et bien que je ne connaissais pas encore ni Lao Tseu, ni le Tao, je suis passé par une étape de lâcher-prise total, je m'abandonnais à la mort. J'étais à bout d'une insomnie de plusieurs mois, et j'étais obligé de lâcher toute pensée qui me demandait à chaque fois un effort surhumain. Et ce lavage forcé des pensées me mettait dans d'excellentes et vertueuses prédispositions. C'est en cela que repose l'un des mystères du Tao. Fondamentalement, nous sommes bons, seuls les tracas de l'ego peuvent nous conduire à mal agir.  

vendredi 11 mai 2018

Toutes les formes de désir


Avec Lao Tseu, on parle souvent de désirs en cherchant à les éviter. Mais quelles sont les formes que peut prendre le désir ? 
Les désirs
Bien sûr il y a tout d'abord les objets qui tendent couramment vers le désir comme la faim, le désir sexuel, l'avidité, l'avarice. Ces désirs à l'état brut accaparent le mental et le font tourner en boucle tant que le désir n'est pas assouvi. On conçoit qu'il soit dés lors impossible vénérer l'instant présent, l'ici et maintenant, seul lieu où l'on peut côtoyer le Tao. 
Les rêves
Les rêves éveillés sont une forme poétique de désirs. On rêve de lieux paradisiaques, d'une belle femme, de mets raffinés, d'une voiture de sport etc... La encore, il y a un décalage tel entre l'objet rêvé et la réalité que l'on se coupe de la réalité de la vie, et l'on passe à côté des choses simples.
Les cauchemars
On peut vivre une vie terriblement cauchemardesque, où tout va mal. Le réflexe est alors de refuser la vie que l'on mène. On espère que tout cela cesse, tel est notre désir. On se tend
alors contre le destin et l'on passe à côté de l'acceptation. Car si l'on se contente de peu, on est capable de tout surmonter.
L'espoir
Voilà une autre forme de désir qui jouit d'une très bonne presse. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir dit le dicton. Pourtant l'espoir est bien une forme de désir qui peut par là même écarter du bonheur. En temps de guerre, par exemple on a espoir en un cessé-le-feu. L'espoir est une forme douce de désir, aussi il n'empêche pas de vivre l'instant, mais attention à ce qu'il ne vire pas au rêve voir au désir.
Les buts
Dans la vie, tout le monde se fixe des objectifs et sait très bien pourquoi il agit. Pourtant, comme Lao Tseu, le Taoïste "agit" sans but, c'est le Non Agir. Pourquoi devrait-on se fixer des buts ? C'est le
meilleur moyen de risquer de ne pas les atteindre et ainsi d'être malheureux.
Les aspirations égotiques
Etre centré sur soi-même, vouloir se faire plaisir, au détriment des autres est ce que propose l'ego. C'est un très mauvais conseiller, car il vous coupe des autres, de la vie. Suivre son ego, succomber à ses désirs c'est vivre pour soi-même, et la vie devient terne. On s'isole dans sa tour d'ivoire, on est séparé de tout. C'est l'inverse de la non-dualité que propose le Tao, car le suivre, c'est se relier à la nature, c'est se relier aux autres.
La volonté, les principes
Avoir de la volonté, c'est se tenir à certaines choses comme à des principes. Pour le Taoïste, suivre le Tao est le seul principe qui vaille, car, comme nous le rappelle la fable du chêne et du roseau, la
souplesse l'emporte sur la raideur, et le Tao est infiniment souple, c'est lui qui met de l'huile et qui permet que les choses se produisent. A l'opposé l'homme de principes risque de s'épuiser face à autrui.
L'envie la jalousie
Lorsque le désir se focalise sur l'autre, cela donne l'envie ou la jalousie. Et l'homme ou la femme que l'on jalouse a en général un fort ego. Il ou elle s'est accaparé de grandes richesses, qu'elles soient amoureuses matérielles ou intellectuelles. Et c'est le désir d'en posséder tout autant qui nous anime. Or, on le sait, ces amours, ces richesses, cet intellect, ne nous rendra jamais heureux, c'est notre sort, ce que l'on a, le Tao qui est la clef du bonheur.  
Les regrets 
Le passé peut se transformer en désir, ce sont les regrets. On souhaiterait que cela se soit passé autrement, c'est encore du désir, un souhait. Mais le passé est inamovible, le regretter est un moyen de se rendre malheureux. On ne peut transformer les choses que dans le présent. Et on risque de le regretter alors autant suivre la vie, suivre le Tao, d'instant en instant, c'est le meilleur moyen de ne rien regretter. 


Cette liste des désirs est loin d'être exhaustive, en effet à un moment, j'en était arrivé à remarquer que toute pensée était une forme de désir. Et en effet, toute pensée vous sort de l'ici et maintenant et vous tend vers autre chose. Aussi, se réfugier dans ses pensées, c'est petit à petit s'éloigner du bonheur.

vendredi 4 mai 2018

Non-être


Le Non-Etre, voici une notion abordée par Lao-Tseu bien étrange. "Toutes choses, sous le ciel, naissent dans l'Être; l'Être naît dans le Non-Être.""Le Non-Être pénètre l'impénétrable; c'est par cela que je connais la suprême efficacité du Non-Agir."
L'être, quel qu'il soit, parmi les dix-mille êtres, et ce du vers de terre à l'homme en passant par l'oiseau, est totalement autonome, c'est à dire qu'il fait ce que bon lui semble, et c'est ainsi qu'il se forge un ego, une spécificité qui souvent va à l'encontre du Tao, à l'encontre de l'équilibre naturel. On en a un triste exemple avec le peu de cas que l'homme fait du respect écologique de la planète. Cette totale autonomie de l'être fait donc naître l'ego, et ce faisant on perd l'équilibre naturel, le Tao. Favoriser le Non-Être, c'est donc favoriser le retour vers le Tao. C'est ce qui se produit lors de la méditation.
En effet, en méditation on apprend à lâcher-prise de tout ce qui nous trotte dans la tête, à lâcher prise de l'ego. Avec de la pratique, on parvient à ne plus avoir de volonté propre, on réduit son ego jusqu'à ne plus avoir de personnalité propre, on plonge dans le Non-Etre. Et ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'il reste quelque chose. Mieux, il reste le meilleur, car ce qu'il reste, c'est
le naturel : votre propre personnalité, lavée de l'ego. Ce qui se produit à ce moment là est une véritable renaissance ! Comme le dit Lao Tseu, vous êtes alors semblable au nouveau né, vivant et agissant sans but.
Quand on rentre en méditation, on se confronte à la frontière du Non-Être, on se soumet à la volonté du Tao. Et force est de constater que dans un état paisible (celui de la méditation), le Tao ne veut rien. On est donc face au Non-Être, face à un certain néant. Mais ce néant n'est pas source d'angoisse, bien au contraire ! Ce néant est la racine commune de la paix, de l'harmonie et de la sérénité. 
Ceci, j'en ai fait l'expérience au cours d'une vision que j'eu en 2004. J'ai eu alors la vision d'un Bouddha Bleu qui m'a dit: "Tu vois cette page blanche (néant) qui est derrière moi... Tu peux y revenir à chaque instant". Et de fait, l'accès au Tao peut être instantané pourvu que l'on ne soit pas encombré de pensées égotiques.
Mon sentiment sur le Non-Être est que la vie émane du vide existant entre deux pôles opposés. C'est le mystère du Yin et du Yang, il y a un moteur qui agit lors de la mise en commun de ces deux pôles.
En tant qu'être, viser le Non-Être, c'est se rapprocher de ce moteur, c'est côtoyer le Tao. Viser le Non-Être, c'est se placer dans le vide au centre de la roue de Lao-Tseu. Immobile, on rayonne dans toutes les directions. Et de là on a une vision non déformée de la réalité.

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