Se contenter de peu

Je voudrais une femme belle et gentille, je voudrais de beaux enfants et en bonne santé, je voudrais être entouré d'amis, je voudrais une belle maison, je voudrais une belle voiture, je voudrais une belle situation professionnelle. Voila ce a quoi peut aspirer toute personne normalement constituée, vienne-t-a manquer l'un de ces 7 objectifs et l'on se sent mal loti, malheureux, et si à cela s'ajoute des tartines qui tombent côté beurre, on est désappointé et la déprime n'est pas loin. 

Je faisait, jadis, parti de ces personnes qui courraient après un objectif pour être heureux. Malheureusement, l'objectif atteint, je me redonnais un nouvel objectif de sorte que mes désirs n'étaient jamais comblés ! 

Certes, les aspirations suscitées peuvent paraitre légitimes, on a tous notre place dans la société...  Mais vivre ne veut pas dire avoir, vivre ne veut pas dire désirer non plus. Or combien sommes nous à désirer

la plus grosse part de gâteau ? Le désir nous tient au corps. Il n'y a qu'a voir notre réaction face à une petite contrariété de la vie. Comment réagissons-nous quand nous faisons tomber un objet comme par exemple une assiette, nous pestons, nous nous mettons en colère, tout simplement parce que les choses ne se sont pas passées comme on le désirait ?

Le Tao de Lao Tseu nous enseigne tout autre chose. Déjà, il s'agit de Non Agir, ce qui évite les déconvenues, et en particulier, ne pas revendiquer ses actes. Mais surtout il s'agit du Non Désir, qui va agir comme un accumulateur de bonheur. L'assiette tombe et se casse, qu'à cela ne tienne, je ne désirait pas qu'il en soit autrement. Qu'on soit bien d'accord, je ne me réjouis pas que l'assiette soit cassée, mais cela est arrivé, je me contente de cela, car cela est le Tao, et je vis par lui.

Bouddha aurait parlé de l'impermanence des choses, on ne peut se baser sur une situation stable et espérer un bonheur définitif. Les choses changent, et ce qui semblait acquis est sans cesse à conquérir. Alors pourquoi ne pas se contenter de peu ? L'humilité est l'une des clés du Tao. 

Réduire ses désirs au point d'accepter ce qui vient libère des déconvenues. Lorsqu'on arrive à ne plus rien désirer, la vie n'est pas fade, bien au contraire, car la vie nous offre alors ce qu'elle peut nous donner. Et nous l'acceptons avec gratitude. Tel est le destin de celui ou celle qui se contente de peu !

Se mettre a la dernière place, celle du déshérité offre un point de vue de premier choix sur le monde, c'est là l'un des nombreux paradoxes du Tao.

 

Mouvement

Notre monde sur Terre est en perpétuel mouvement. Il n'y a qu'a percevoir le vent dans les arbres et les vagues de la mer pour s'en convaincre. A contrario, une planète comme Mars nous parait bien immobile. Pourtant, le mouvement nait de l'immobile, du statique. Par exemple quand nous marchons, nous nous propulsons de pas en pas, et le point de contact avec le sol, notre semelle est immobile. Il en est de même pour une automobile dont les quatre points de contact des roues sont immobiles par rapport au sol. Sinon, les roues déraperaient.

Dans les arts martiaux, on apprend que pour faire bouger son adversaire, il faut soi-même être immobile bien campé sur le sol. Ainsi de l'immobile nait le mouvement.

L'homme du Tao met en œuvre cette sagesse. Il cherche l'immobilité. Mais pour cela, il faut un repère, un référentiel. Ce dernier c'est le Tao qui le crée. La référence solide, c'est le Tao. Alors bien sûr, le Tao est insaisissable c'est un mystère, il est insondable. Tout cela, Lao Tseu nous le dit. Mais il nous dit

aussi, "aussitôt qu'on le cherche en soi-même on le trouve". Car c'est dans notre immobilité intérieure, celle qu'on obtient par la méditation que l'on trouve ce socle inébranlable de la paix intérieure et de la joie. Une fois cela trouvé, on est prêt, si nécessaire, à se mettre en mouvement, à déplacer des montagnes.

Les hommes politiques, enfin ceux qui ont un certain succès, l'ont bien compris, ils s'appuient sur la majorité silencieuse pour faire voter leurs lois. Et quand ce n'est pas le cas, la foule sort dans la rue.

Sur un bateau, des voiles qui faseyent sont synonymes de mauvaises performances, alors que des voiles

statiques et bien bordées sont synonymes de performances. Un aigle qui plane est immobile.

On le voit l'immobilité permet le mouvement, et c'est d'autant plus vrai, que l'immobilité permet de préserver son énergie. C'est ce que l'on ressent en méditation. Cette réelle immobilité permet d'emmagasiner de l'énergie.    

En acuponcture, les méridiens sont des couloirs énergétiques, et les points d'acuponcture sont des "creux énergétiques" qu'il convient de vider pour autoriser le flux énergétique. Ainsi le vide permet à l'énergie de passer. Le vide permet le mouvement. Le Non-Etre permet l'Etre. Comme le dit Lao Tseu, le vide d'un vase en autorise l'usage. Les vides des portes et des fenêtres autorisent l'usage que l'on fait d'une maison.

Ces apparents paradoxes montrent la difficulté qu'il y a à saisir la réalité du Tao. Mais quand on saisi la force de l'immobilité par rapport au mouvement, on peut se plonger dans la contemplation du Tao, dans l'immobile qui siège au fond de nous même.