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samedi 30 avril 2016

Tchouang-tseu


L'officier de la frontière de Tch'ang-wou interrogea Tseu-lao en lui disant ainsi :
- Un prince ne doit pas se montrer ni négligent ni pointilleux. Jadis j'avais commis ces deux erreurs : par un labeur négligent, puis par un sarclage trop pointilleux des mauvaises herbes, je n'ai eu que des récoltes peu satisfaisantes. Depuis quelques années j'ai changé ma méthode. Je laboure profondément, mais je herse doucement. J'obtiens ainsi des récoltes abondantes; toute l'année j'ai une réserve alimentaire suffisante.
Tchouang-tseu ayant apris cela, déclara:"Actuellement, dans la culture de leur corps et de leur esprit, beaucoup de gens tombent dans les défauts indiqués par l'officier de frontière. La plupart des hommes dans leurs actes violent la loi du ciel, s'écartent de leur nature innée, détruisent leurs sentiments vrais, perdent leur âme originelle et agissent en cela selon la foule. Quiconque néglige le soin de la nature se laisse envahir par les passions qui pullulent comme des roseaux; tout d'abord elles semblent nous soutenir, mais finissent par ruiner notre nature. Quiconque force sa nature attrapera des ulcères, des tumeurs, des fièvres et pissotera le sperme.

Ah ce Tchouang-tseu, toujours prêt à nous enseigner la voie du milieu...

samedi 16 avril 2016

Relâche

Pas d'article cette semaine !
Je suis en train de finir de relire le nouveau testament... Pas très Taoîste vous me direz ! Mais justement, je voulais me rendre compte du niveau d'éveil des apôtres et peut-être de Jésus lui-même. Je dis Jésus lui-même, car manifestement, nous ne disposons d'aucun écrit de sa propre main. Dommage, car de la sorte il nous est impossible de le comparer à un Lao Tseu... Cependant, les récits des évangiles concordent, et il semble bien que Jésus ait eu des qualité de guérisseur. Les autres miracles,
comme marcher sur l'eau, ou la multiplication des poissons et du pain, peuvent avoir leur explication dans le fait que Jésus soit bon nageur à une époque où personne ne savait nager, et dans un bon partage.
Jésus parlait en parabole, on peut donc le comparer à un Tchouang-tseu dont les récits font toujours ressortir la sagesse du Tao.
Dans le discours prêté à Jésus, des "manies" reviennent régulièrement. On peut citer parmi elles ce début d'exhortation, "en vérité, je vous le dis...". Cette petite phrase a de quoi choquer. Il s'agit en effet d'une prise de position tournée vers la personne qu'est Jésus, elle montre une prise de position un peu égotique, ce qui est choquant de la part du fils de Dieu... Je veux dire par là qu'on est loin de Lao Tseu, ou des sages indiens même contemporains, Je pense à Mâ Ananda Moyî, qui pour parler d'elle même emploie les mots : "ce corps-ci". De même, Jésus parle de "mon père" (Mt18-14) en pensant à Dieu... Pourquoi ne dit-il pas systématiquement "notre père"? 
Je suis donc un peu déçu, non par l'homme, car ce qu'il a fait est
remarquable, mais par l'homme parfait qu'il devrait être et qu'il ne semble pas avoir été.
L'argument selon lequel Jésus vit au premier siècle et s'exprime avec les mots de l'époque ne tient pas. En effet, si Jésus est parfait, son discours doit être intemporel. On peut par exemple être surpris qu'il parle des esclaves sans vouloir systématiquement les affranchir. On est un peu loin du modernisme d'un Bouddha qui se bat contre les castes.
Je n'insisterait pas plus, car assurément, Jésus était un être remarquable et à coup sûr éveillé. Mais de là à le considérer comme parfait, voire comme Dieu vivant, il y a un petit fossé que je ne peux franchir.
J'espère par la présente ne choquer personne, car qui suis-je au fond pour juger Jésus ? Je voulais juste me faire une idée de l'homme qu'il fut en réalité.

dimanche 10 avril 2016

Saint Jacques


"D'où viennent les guerres et d'où viennent les combats parmi vous? N'est-ce pas de ceci : de vos désirs insatiables de plaisir sensuel qui combattent dans vos membres ? 
Vous désirez, et pourtant vous n'avez pas. Sans cesse, vous assassinez et vous convoitez, et pourtant vous ne pouvez obtenir. Sans cesse, vous combattez et faites la guerre. Vous n'avez pas, parce que vous ne demandez pas. Vous demandez et pourtant vous ne recevez pas, parce que vous demandez dans de mauvaises intentions, afin de le dépenser pour satisfaire vos désirs insatiables de plaisir sensuel."

Voici un extrait du nouveau testament (Jacques 4:1-4-3) qui pointe du doigt la source de nos malheurs : le désir. Il va de soi que ce désir reflète de mauvaises intentions, car le désir est ici lié à l'ego, qui cherche à s'approprier au détriment d'autrui. L'homme du Tao, ou le Saint chez les chrétiens, cherchent eux, le bien Universel, qui ne passe pas par une satisfaction égoïste.

samedi 2 avril 2016

Intelligence


Intelligence voyagea dans le Nord jusqu'à l'eau sombre, escalada le mont d'Indistinction et rencontra Énoncé du non-agir. Intelligence dit à celui-ci : "Je voudrais vous poser des questions. Pour connaître le Tao, que pense-t-on et sur quoi réfléchit-on ? Pour s'installer dans le Tao, quelle position adopte-t-on et à quoi s'applique-t-on ? Pour saisir le Tao, d'où doit-on partir et quel chemin suit-on ? A ces questions, Énoncé du non-agir ne donna aucune réponse. Ce n'est pas qu'il ne le voulait pas, il ne savait que répondre.
N'ayant obtenu aucune réponse, Intelligence rebroussa chemin, se dirigea vers le sud de l'eau blanche, grimpa sur la colline du Vide du doute, voyant le fou courbé, lui posa les mêmes questions. "Eh, dit le fou courbé, je le sais et vais vous le dire", mais tout en voulant parler, il oublia ce qu'il voulait dire".
N'ayant obtenu aucune réponse, Intelligence s'en retourna au Palais du Souverain et posa ses trois questions au Souverain Jaune. Celui-ci lui dit: "Pour connaître le Tao, on ne doit ni penser ni réfléchir; pour s'installer dans le Tao, on ne doit adopter aucune position ni s'appliquer à rien; pour posséder le Tao, on ne doit partir de rien, ni suivre aucun chemin."
Intelligence demanda alors au Souverain Jaune : "Nous deux le savons, les deux autres ne le savent pas : lequel a-t-il raison ?
- C'est Énoncé du non-agir qui est dans le vrai, dit le Souverain Jaune, le fou courbé semble être dans le vrai ; moi-même et vous, nous ne nous approcherons jamais de la vérité. En effet, celui qui sait ne parle pas ; celui qui parle ne sait pas. C'est pourquoi le saint pratique un enseignement sans parole. Le Tao ne peut être obtenu, et la vertu ne peut être atteinte, alors que l'amour des hommes peut être accompli par l'action volontaire, que la justice peut rendre partial et que le rite engendre l'hypocrisie. C'est pourquoi il est dit : "Après la perte du Tao vient la vertu ; après la perte de la vertu vient l'amour des hommes ; après la perte de l'amour des hommes vient la justice ; après la perte de la justice, vient le rite". Le rite n'est qu'une efflorescence du Tao et la source du désordre. C'est pourquoi il est dit : "En agissant pour le Tao, diminuez votre action de jour en jour; diminuez-la et diminuez-la encore, pour arriver à ne rien faire. En ne faisant rien, il n'y a rien qui ne se fasse." Il est bien difficile de faire retour à sa racine originelle ; seul le grand homme y parvient sans difficulté.
"La vie conduit à la mort. La mort débouche sur la vie. Qui donc connait l'ordre qui préside à ce cycle de vie et de mort ? L'homme naît d'une condensation du souffle. C'est le souffle qui, en se dispersant amène la mort. Si la mort et la vie s'accompagnent ainsi, quel malheur y a-t-il pour nous ?
"A vrai dire, tous les êtres du monde ne font qu'un. Ce qu'on trouve beau est considéré comme miraculeux et merveilleux, ce qu'on trouve laid est considéré comme puant et pourri. La vérité est que la puanteur et la putréfaction se métamorphosent en miracles et merveilles, et que le miracle et le merveilleux se métamorphosent en puanteur et en putréfaction. C'est pourquoi il est dit ; "Il n'y a dans l'univers entier qu'un seul et unique souffle, aussi, le saint vénère-t-il l'unité."
Intelligence dit au Souverain Jaune : "J'ai interrogé Énoncé du non-agir, celui-ci ne m'a pas répondu : ce n'est pas qu'il ne voulait pas me répondre, il ne savait pas me répondre. J'ai interrogé le fou courbé, celui-ci a voulu me répondre et finalement ne m'a pas répondu, car il oublia ce qu'il voulait dire. Je vous ai interrogé, vous avez su me répondre. Pourquoi alors ne vous approchez-vous pas de la vérité ?
- Énoncé du non-agir était la vérité même, répondit le Souverain Jaune, parce qu'il ne savait pas vous répondre ; le fou courbé paraissait être dans la vérité parce qu'il oublia ce qu'il voulait dire ; moi et vous, nous ne nous approcherons jamais de la vérité parce que nous savons en parler."
Ayant entendu cette réponse du Souverain Jaune, le fou courbé estima que celui-ci savait ce qu'est la parole.

Tchouang-tseu 

Voici un bel exposé sur le Non-Agir et sur l'Unité. Mais comme cela a attrait à l’ineffable, on ne peut en parler sans risquer de le dénaturer. Alors ne disons mot tout comme Énoncé du non-agir.

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