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vendredi 30 octobre 2015

Du Désir à la Joie : 2 : Prisonniers du Désir


Chapitre 2 : Prisonniers du Désir


Au chapitre 1, nous avons vu que notre souffrance psychologique, et même notre souffrance physique relevaient du mécanisme du désir; celui de ne plus souffrir. Ceci est fondamental car souvent, le désir est associé au bonheur. C'est en effet le bonheur que l'on désir le plus souvent. Mais dans le cas de la douleur, le désir est de souffrir moins (pour être plus heureux).

Dans le cas du bonheur il s'agit du désir d'avoir plus, et dans le cas de la souffrance du désir d'avoir moins. 

Or le désir est cause de frustration. Car le désir repose sur un futur incertain vers lequel nous nous projetons. Et cet avenir désiré n'est JAMAIS comme nous l'avions imaginé. Essayons d'imaginer, de désirer ardemment qu'une situation se produise, dans dix minutes, un jour, une semaine, ou un an, nous pouvons être sûr qu'au moins un détail ayant son importance modifiera le cours du temps par rapport à ce que nous avions désiré. En effet, notre mental est un bien piètre outil pour envisager l'avenir. 
Pourquoi ?
Parce que le mental utilise le langage pour caractériser la situation future désirée. Oui, la petite voix dans notre tête parle comme nous en utilisant le Français comme langage. Or le langage, de quoi s'agit-il ? De mots symbolisant les objets et les situations qui font l'objet du désir. Mais chaque situation réelle est infiniment plus complexe que les quelques mots du langage qui la décrivent. Et donc mathématiquement, il est nécessaire que le futur réel et le futur désiré divergent. Certes, si nous prenons rendez-vous avec un plombier à 11 h, il se peut que celui-ci arrive à l'heure. Mais nous savons que les aléas de son métier sont tels qu'il aura classiquement 1 h de retard.


Les prévisions qui vont avec le désir sont très piégeuses. Cet été, j'ai souhaité - désiré - organiser un voyage en Irlande. J'ai donc réservé toute une série de Bed&Breakfast tout autour de l'Irlande. Tel était mon désir... La réalité fut que ma voiture tomba en panne (une panne intermittente) et que j'eu toutes les peines du monde à respecter le planning ! Ainsi, ce que l'on désir ardemment comme la planification de nos vacances, s'avère être le plus souvent une contrainte qui risque de transformer notre futur en cauchemar. Car notre mental tient à tout prix à respecter le planning du désir. Or il y a toujours un imprévu qui bouleverse ce qui était désiré. D'où la frustration.

Parfois, la réalité est plus belle que celle désiré, on dit que la vie nous comble ! Mais le fait de l'avoir désirée nous gâche une partie du plaisir, car la surprise est moins grande que si nous n'avions rien désiré. Or, la plupart du temps, la réalité n'atteint pas notre degré de désir. Que fait le mental ? Il porte son attention sur un nouvel objet de désir, ou encore, il repousse le désir à une nouvelle échéance. Pourquoi désirer, désirer, toujours désirer ? Parce que cela donne au mental le beau rôle. Celui de nous bercer de douces illusions, de nous imaginer un avenir radieux ! L'ennui est que la frustration est à la hauteur du désir.

Lorsque j'étais déprimé et insomniaque, je me disait tout le temps :"Ah, si je pouvais dormir cette nuit." Tel était mon désir chaque nuit, et au petit matin, je ne pouvais que constater une nuit d'insomnie de plus, et je reportai l'espoir à la nuit suivante, m'accrochant à cet espoir. Pourtant, ce qu'il eu fallu faire c'est de lâcher prise de l'espoir, de lâcher prise du désir. J'étais prisonnier d'un désir intense qui était irréalisable dans l'état d'esprit dans lequel je me trouvais !

Souvent, notre cerveau tente de nous venir en aide. Au cours d'une nuit d'insomnie, mon mental exprimait le désir d'être très érudit. L'objectif visé était de ressembler à un de mes oncles que je prenait un peu comme un maître spirituel. Dans ma tête, j'exprimais ce désir très ardemment, c'était dur à envisager par mon mental, car celui-ci n'ignorait pas mon niveau d'érudition très moyen. Aussi ajoutât-il :"Et puis, si je n'y arrive pas, ce n'est pas grave !" C'est alors qu'une énergie incroyable monta dans tout mon être, formant comme une auréole au dessus de ma tête. Et une voix, que je qualifierai de divine par la suite, dit :"Ça, c'est la Sainteté...". Car la partie divine qui est en moi (une partie de mon cerveau, si vous préférez ne pas faire appel au divin) me conseillait de lâcher prise.
En moi-même, je fus surpris qu'une telle récompense (la Sainteté) puisse être accordée à ce que je prenais pour une faiblesse (avouer son manque d'érudition). Mais, je commençais à apprendre que l'humilité est ce qui plait le plus à l'Être, pour ne pas dire Dieu. En tout état de cause, mon cerveau avait tenté de me venir en aide, me disant en substance "vas-tu enfin lâcher prise ?"


Mais revenons au désir. L'homme ordinaire désir par son mental tout un tas de choses. Je dirais même que pour chaque chose, il a un jugement: "cette chose m'intéresse ou non", en découle un désir de posséder, de prendre, de ranger, ou même de passer son chemin. Si on regarde de près, on s'aperçoit que le mécanisme du désir est presque omniprésent. L'homme ordinaire désire comme il respire ! Et parmi ses désirs, il y a trois ou quatre désirs qui le poussent à agir, qui lui donnent sa ligne de conduite. Il va s'investir pour ces désirs, ce pourra être un désir amoureux. Il va offrir des fleurs, organiser des rendez-vous, acheter de beaux habits... Mais on sait tous que si le sentiment amoureux n'est pas réciproque, notre homme cours à la catastrophe! Alors plutôt que de déprimer, le mental se raccroche à un nouveau désir de rencontre, il sortira en boite de nuit dès ce soir...

Ainsi, le mental s'accroche au désir, c'est une projection dans l'avenir qui lui donne une importance toute particulière, et comme il ne veut pas perdre ce rôle de premier plan, il utilise tous les prétextes pour désirer, désirer, et encore désirer. L'homme ordinaire est prisonnier du désir. En effet, chaque désir ou presque est synonyme d'échec. Et, si par miracle un désir touche sa cible, ce n'est pas une grande gloire car le mental l'avait prévu. Ces échecs à répétition et ces quelques réussites sans gloire conduisent peu à peu à la dépression ou à la mélancolie, maladies dont il est très difficile de guérir, et dans lesquelles l'homme ordinaire va s'enfermer, s'il ne trouve pas la clé de sortie. Et s'il ne va pas jusqu'à la dépression, il n'en sera pas moins tenté par ses désirs, faisant des efforts pour les assouvir, passant à un plus gros désir, après en avoir assouvi un petit. La soif de désir est sans fin, les milliardaires qui amassent toujours plus de richesses en sont un vivant exemple.

Bref la spirale des désirs est un piège, une prison dans laquelle il est très facile de s'enfermer.


4 commentaires:

  1. Je n'aurais pas mieux décrit ces deux alliés: le désir et la souffrance.
    Haaa, si on pouvait se soustraire aisément à tout désir et à toute cette course et ces souffrances qu'il occasionne, dès les premiers moments où l'égo commence à jouer son jeu! En même temps, est-ce vraiment possible, ou même souhaitable !? J'aime bien voir le désir et ses amis comme une part nécessaire du Tout, mais dans le noir, c'est toujours difficile. Mais ça se pratique et ça s'apprend, ce qui rend la vie si riche, et la croissance personnelle, éternelle !

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    1. Bonjour caro !
      Je crois que l'on peut réellement, par le biais de la conscience, déjouer les mécanismes du désir. Il suffit de prendre le recul nécessaire à la prise de conscience. Et d'étiqueter l'attente "désir", pour laisser le soufflet du désir retomber, et passer à autre chose. Ainsi, on n'attend plus rien, ni du futur, ni de l'instant. Et on peut profiter pleinement de l'instant présent, avec toutes les agréables surprises qu'il apporte !

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    2. Je suis entièrement d'accord, mais avant d'avoir suffisamment de volonté pour pratiquer cette discipline avec tout notre cœur, on dirait qu'il faut presqu'obligatoirement avoir passé par le désir et la souffrance qui l'accompagne.

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