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vendredi 26 octobre 2018

Savoir


Voici ce que Tchouang-Tseu dit du savoir :
"La vie humaine est limitée; le savoir est illimité. Qui subordonne sa vie limitée à la poursuite du savoir illimité va à l'épuisement; épuisé, il veut savoir encore et meurt ainsi d'épuisement. Qui fait le bien s'attire le renom; qui fait le mal se voue au châtiment. Seul celui qui prend pour règle la modération peut conserver son corps et sa vie, remplir ses devoirs envers ses parents et atteindre la limite naturelle de son existence."
Ainsi, même à l'époque de Tchouang-Tseu qui est à des années lumières de celle actuelle d'internet, on reconnaissait volontiers que le savoir était illimité. Que dire alors du savoir au jour d'aujourd'hui ? Et que dire de ceux qui courent après le savoir ? Ces monstres d'éruditions se rendent-ils heureux par leur savoir ? Et ce savoir peut
être aussi bien scientifique que culturel ou même portant sur des anecdotes du passé.
La recherche du savoir n'est autre qu'un désir déguisé, et à ce titre elle mène à l'épuisement. Même à son époque, Tchouang Tseu avait remarqué qu'elle était contraire à une vie longue et saine. On sait (oh! le vilain mot) désormais que l'activité trop intense du cortex perturbe le cerveau reptilien qui a en charge toutes les régulations du corps.
Mais que substituer au savoir ? Car en face d'une situation, il faut "savoir" comment se comporter. Certes le mental cherche à tout prévoir et pioche dans la mémoire pour trouver le comportement adéquat. Sommes nous donc voués à accumuler des "savoirs" pour faire face à chacune des situations de la vie ? Heureusement que non ! La plus-part du temps, c'est instinctivement que nous nous comportons.
Aussi, comme le dit Tchouang-Teu, le savoir est à user avec modération, face à certaines situations, il
sera utile, mais face à d'autres, il faudra ne pas avoir peur de faire appel à son instinct. Car c'est le cerveau reptilien qui est à l'origine de l'instinct et c'est lui qui est le garant de notre santé. L'usage de l'instinct et du cerveau reptilien sont donc les clés d'une longue vie, et c'est aussi ce que conclue Tchouang-Tseu.
A l'inverse, si vous faites confiance au mental et au savoir, vous risquez de vous fier à un conseiller qui a tendance à tout exagérer. Pourquoi exagère-t-il ? Tout simplement, pour attirer votre attention. C'est tout le contraire de l'instinct qui lui est (trop) discret.
Et puis, rappelons nous le non savoir ultime dont Lao-Tseu nous dit : "Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas."

vendredi 19 octobre 2018

Qui a tort, qui a raison ?


Tchouang-Tseu s'interroge ainsi :
"Si je discute avec toi et que tu l'emportes sur moi au lieu que je l'emporte sur toi, as-tu nécessairement raison et ai-je nécessairement tort ? Si je l'emporte sur toi, ai-je nécessairement raison et toi nécessairement tort ? ou bien l'un de nous deux a raison et l'autre tort? ou bien avons-nous raison tous les deux ou tort tous les deux? Ni toi ni moi nous ne pouvons le savoir, et un tiers serait tout autant dans l'obscurité. Qui peut décider sans erreur? Si nous interrogeons quelqu'un qui est de ton avis, du fait qu'il est de ton avis, comment peut-il décider? S'il est de mon avis, du fait qu'il est de mon avis, comment peut-il décider ? Il en sera de même s'il s'agit de quelqu'un qui est à la foi de ton avis et du mien, ou d'un avis différent de chacun de nous deux. Et
alors ni moi ni toi, ni un tiers ne peuvent trancher. Faudra-t-il attendre un quatrième?"

On pourrait poursuivre de nos jours par:" Faudra-t-il attendre un référendum démocratique ?" Mais bien entendu on sait que le référendum n'est pas une science exacte non plus. Du reste, lorsque je m'exprime sur un sujet, je m'exprime par la parole. Et celle-ci, quels que soient les efforts que je puisse faire n'est pas exacte. Seul le Tao dans sa spontanéité est exact, c'est pourquoi il est si difficile à suivre. Mais ma parole, elle, manque systématiquement son but - Lao Tseu estime : "Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas". 
Aussi, la leçon que l'on peut tirer de ces propos de Tchouang-Tseu, est qu'il est bien vain de se quereller ! Et cela commence par les points de vue spirituels, qui, de l'expérience que l'on peut en faire convergent tous vers le bien-être de l'homme. Ce sont les rites et les pratiques religieuses qui dénaturent les messages spirituels. 

Mais comment pourrais-je en être sûr ? 

samedi 13 octobre 2018

Liberté


En méditation, on est souvent assailli par un flux de pensées : "ai-je bien pris mes clés ce matin? Vais-je prendre des clémentines ou des mandarines au marché? N'oublie pas de passer la serpillière dans la cuisine - elle est très sale..."
Heureusement, nous sommes doués d'un outil pour stopper ce phénomène des pensées : la conscience. Car nous pouvons nous laisser prendre au jeu des pensées (c'est le plus facile), mais nous pouvons aussi prendre conscience que nous sommes en train de penser et laisser filer ces pensées : lâcher-prise. Avec cette pratique, vous allez devenir spectateur du jeu du mental, et petit à petit lui accorder de moins en moins d'importance.
Mais au final qu'est-ce qui compte ? Si le jeu du mental est d'une importance relative, qu'est-ce qui
compte vraiment dans nos vies ? D'ordinaire, on se laisse déborder par la pression du mental, et on finit par laver le sol de cette cuisine qui était définitivement très sale. Le mental a donc certes son importance, mais on sent bien que ce n'est pas la pierre angulaire de notre personnalité.
Alors des sages, des maîtres se sont penchés sur la question et ont sondé le mental et la conscience pour tenter de découvrir ce qu'il y avait de fondamental au delà. Et la réponse est unanime, vous pouvez vous-même en faire l'expérience : la vacuité. Le vide, rien, le néant. Rien ne nous gouverne, nous avons un total libre arbitre de nos vies. Mais si nous nous laissons guider par notre mental, nous perdons ce libre arbitre et notre liberté. D'où l'importance du lâcher-prise pour apprendre à côtoyer cette vacuité si riche et si
foisonnante. Car c'est bien là le paradoxe, cette vacuité est le creuset de notre imaginaire et de notre mémoire. C'est à partir d'elle que tout naît dans notre tête. Aussi, les sages tentent de lâcher-prise pour revenir à la racine des pensées. Ils essayent de détecter la première pensée émergeant de la vacuité. Et ils préfèrent s'y fier plutôt que de se laisser chahuter par les pensées successives du mental. C'est une question de priorité, la pensée émergente de la vacuité est intuitive, elle dépend directement du contexte tant intérieur à notre corps qu'extérieur, c'est d'elle que dépend notre faculté d'adaptation. A
l'inverse, le mental élabore des pensées qui sont construite sur notre mémoire ou sur notre imaginaire. Elles sont donc nettement moins adaptées à ce qui nous convient dans l'ici et maintenant. C'est pourquoi elles peuvent devenir dangereuses pour notre liberté.
L'homme du Tao ne désire rien et n'agit pas pour lui-même, ce faisant, il n'est l'esclave d'aucune pensée et jouit d'une totale liberté. 

samedi 6 octobre 2018

Sécurité


D'aussi loin que vous vous en souvenez, essayez de compter le nombre d'années, de mois, de jour, d'heures, de minutes, de secondes où vous n'avez pas été en sécurité. Vous y êtes ? Quand je dis pas de sécurité, je veux dire en présence d'un danger réel.
Pour ma part, je compte un accident de vélo où le danger a bien failli me coûter la vie, le danger a été présent quelques secondes. Une chute à ski le long d'un ravin de 30 m à Lagrave, le danger a la encore été présent quelques secondes. Et puis, il y a ma maladie, car je souffre de trouble bipolaire, je peux déprimer très profondément pendant des mois, puis pendant une semaine ou deux me taper des délires qui pour moi n'en sont pas, mais qui paraissent dangereux ou loufoques pour mon entourage.
Cette maladie m'a donné le sentiment d'être en danger, mais à vrai dire c'était mon mental qui me faisait croire à un danger qui en fait n'était pas réel. J'ai par exemple cru que j'étais devenu un vampire, que ma fille allait mourir, ce genre de choses.
Bref, en tout et pour tout quelques jours de danger réel, sur toute une vie, cela représente bien peu. Alors pourquoi diable le mental nous fait sans arrêt croire que nous courrons un grave danger ? Vous n'êtes pas convaincus ? Essayez de laisser divaguer votre mental, vous allez vous imaginer dans certaines situations. Par exemple en faisant cette expérience à l'instant, je me suis vu au volant de ma voiture puis à la station service, où au lieu de mettre du gazole, je mettait de l'essence, et paf! la voiture en panne. Bien sûr il ne s'agit pas d'un grave danger, mais la voiture est immobilisée.
Alors pourquoi notre mental agit-il de la sorte ?
Je crois que la réponse tient en quelques mots. Le mental veut nous venir en aide, il veut nous préparer au pire. En nous montrant le pire, il parie sur le fait que nous serons aguerris et que tout se passera bien. C'est bien joli, mais à force de voir le verre à moitié vide, nous pouvons être l'esclave de notre mental et très vite stresser voir déprimer.
Alors que faire ?
Le mieux est de devenir conscient, de prendre du recul. De voir le jeu du mental, et de le démonter. Non, il n'y a aucune raison que je mette autre chose que du gazole dans le réservoir de ma voiture. Non, il n'y a aucune raison que je me claque un muscle lors de notre prochaine randonnée.
Non, il n'y a aucune raison...
Ainsi, petit à petit, on fait réapparaître un climat de sécurité dans notre vie.
Car leTao est par nature générateur de sécurité. C'est en effet lui qui a vu naître tous les êtres. Et c'est grâce à l'adaptation entre les espèces et leur environnement que la vie a pu cheminer. Et n'ayant pas de prédateur, nous sommes en sécurité.
Mais que dire alors des autres animaux qui ont des prédateurs ? Sont-ils eux en danger ? La réponse
est ni oui ni non. S'il se fie à son instinct l'animal n'est pas en danger, en effet, le tigre prédateur sera averti par son instinct de la présence de gibier, mais la gazelle attentive à son instinct sera avertie de la présence d'un prédateur. Ainsi, l'un comme l'autre, si ils sont vigilent, seront en sécurité.
L'homme pour être en paix et en sécurité doit suivre son instinct, être à l'écoute du Tao. Cela m'aurait par exemple évité de me retrouver nez à nez avec cette voiture lors de mon accident. Cela aurait évité a Tchouang Tseu d'être sermonné par le garde chasse...
Mais qu'est-ce qui nous empêche, nous les êtres vivants d'être à l'écoute du Tao ? Car si c'était si simple, nous serions toujours en paix ! Et bien ce qui nous sort du Tao, c'est le désir. Ceux qui suivent leurs désirs ne sont absolument pas attentifs, et se mettent en situation de danger. C'est vrai pour l'écureuil qui convoite un gland, pour le tigre qui convoite une gazelle, pour le petit garçon qui convoite une glace... La liste est tellement longue que cela représente presque la totalité des instants d'une vie. 
Soyons donc sans désir et nous serons en paix.


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