Language

vendredi 28 juin 2019

Vivre sans attache



Vivre sans biens matériels parait difficile de nos jours : nous avons tous (ou presque) une maison, une voiture, des meubles, et nous nous nourrissons tous les jours de trois repas quotidien. Pour arriver à nos fins, nous utilisons une monnaie  d'échange : l'argent. Aussi, sommes nous tous attachés à nos possessions et à l'argent que cela représente. Nous accordons de l'importance à tous nos biens, les petits comme les grands ! Qui n'a pas été contrarié de la perte d'un stylo ? 
Ainsi, nous sommes tous logés à la même enseigne face aux biens. Nous sommes tous contrariés par la perte de l'un de ceux-ci. Aussi Lao Tseu nous met-il en garde : "du gain ou de la perte, lequel est le
plus affligent ?". Nous n'aimons pas perdre, nous nous accrochons à nos biens ! 
Pourtant, il est possible de vivre sans attache. Comment ? En accordant peu ou pas du tout d'importance à nos biens, en accordant peu d'importance à l'argent. Et cela ne veut pas dire dilapider nos biens ou l'argent... Non, Lao Tseu insiste bien sur le rôle fondamental de l'économie (un homme économe peut être généreux). En fait, ce qu'il convient d'être c'est d'être détaché de ses biens et de l'argent. D'être indifférent à l'achat, la revente ou la disparition de biens. Lâcher prise de nos possessions. 
Mais il n'y a pas que les biens matériels qui nous affectent. Nous nous accrochons tout autant au
savoir. L’érudit fait souvent étalage de ses connaissances. Passant ainsi à côté de l'instant présent. Non que le Taoïste n'ait pas de connaissance, mais il les met directement en pratique et de façon souvent intuitive. Car le Taoïste est à l'écoute du Tao, en lui-même et dans son environnement. Et pour cela il ne faut pas qu'il y ait la moindre attache qui le perturbe. Son esprit doit être fluide, libre de pensées qui voile l'intuition.
Par exemple, pour trouver le chemin qui mène à la  boulangerie, nous disposons tous d'un GPS interne; le Tao. Celui-ci vous guidera intuitivement sur le chemin de la boulangerie. Mais ceci nécessite d'être détaché de tout désir y compris, celui de vouloir se rendre à la boulangerie. Je me souviens de ce jour où je me rendait au travail et ou mon intuition me dit de tourner à droite alors que "mon" chemin était tout droit. Je me dit que le Tao m'offrait une petite escapade au parc non loin de là. Mais je fus hélé par un automobiliste dont la voiture refusait de démarrer. Je fus alors ravi de pouvoir rendre service. Et l'homme put se rendre à son rendez-vous.
Ne pas s'identifier à un personnage que nous jouons est une autre forme de détachement qui, si nous n'y prenons pas garde peut nous jouer des tours. Prenons garde ainsi de ne pas jouer les petits chefs dans nos relations au travail, à ne pas jouer les espions, que sais-je encore. Petit à petit, il faut s'effacer pour n'être plus que l'image du Tao.
Le Tao représente la vaste toile interconnectée de la vie. Ainsi le Tao est omniscient. Et en l'écoutant on bénéficie de la meilleure information qui soit, la plus pertinente. Mais pour cela il faut vivre sans attache aucune, à l'exception de celle du Tao qui est vide de désir et vide d'agir.
On peut pousser le bouchon très loin en matière de vide. Car très souvent, des pensées viennent parasiter le calme magistral du sage. Mais ce n'est pas grave, il faut tenter de revenir au vide et voir la vie que ce vide nous apporte. Oh, certes, il ne s'agit pas d'une vie d’opulence ! Mais comme il est sans désir, le sage se satisfait fort bien du peu que lui offre le Tao. Du reste, le Taoïste célèbre Tchouang Tseu vivait comme un démuni, mais il était le plus heureux des hommes.
Alors évidemment il reste un type d'attachement auquel il est peut-être plus dur de renoncer, c'est l'attachement aux personnes : l'être aimé, les enfants, les proches. Mais vivre intuitivement ne vous coupe pas de l'amour, bien au contraire, seulement vivre sans attache vous aidera à surmonter plus facilement les épreuves, ainsi Tchouang Tseu fut surpris en train de chanter en battant la mesure sur des écuelles juste après le décès de son épouse. A ses amis qui s'indignaient de le voir ainsi manquer de respect pour son épouse, il répondit ceci : Avant sa naissance mon épouse n'était rien, après sa mort, elle fait retour à ce rien, pourquoi voudriez-vous que cela m'afflige ?


vendredi 21 juin 2019

Le mystère de la vie.



Pourquoi sommes nous là ? Pourquoi n'y a-t-il pas rien !? Pourquoi certaines choses sont-elle animées d'autres pas ? Quel est ce mystère de la vie !?
Le Tao n'apporte pas de réponse à ces questions. En revanche il cristallise le mystère. Le Tao est la porte ouverte à tous les mystères. Car le Tao est au cœur de la vie. Il n'abandonne personne d'autre que les ego. Aussi, en lâchant prise de l'ego on rejoint naturellement le Tao, on est au cœur du mystère.
Les religions parlent du mystère de Dieu, le Tao est directement ce mystère, c'est la présence de la vie qui nous épaule.
Lao Tseu a eu ce trait de génie (il en a eu plusieurs) de nous guider vers le Tao. Par son Non-Désir et son Non-Agir, qui, pour celui ou celle qui le souhaite vraiment sont des pas simples vers le Tao, vers
l'illumination. Je ne connais pas de méthode plus simple que le Non-Désir et le Non Agir. Certes il y a eu Bouddha et ses 4 nobles vérités. Mais le chemin pour abandonner la Maya (illusion) et rejoindre le Nirvana (Non-Désir - tiens-tiens) me parait moins direct.
Alors comment toucher du doigt ce mystère ? Un bon moyen est de faire le vide dans ses désirs, dans ses pensées. Essayez de faire le vide en vous, dans vos pensées. Il est vraisemblable, tout au moins au début que des pensées vous envahissent :"ai-je bien fermé la porte de ma chambre?" "ai-je bien pris mes clés de voiture ?" Bref, tous les petits tracas du quotidien refont surface. Persévérez, lâchez prise du quotidien ! Ça y est vous y êtes... Rien... Vous venez de toucher le Tao du doigt. Il est très difficile de maintenir ce rien, car les pensées ne demandent qu'un infime déséquilibre pour reprendre le dessus. Mais ce n'est pas
grave revenez au rien, lâchez prise, petit à petit le Rien va prendre plus d'espace...
Une guêpe vient de rentrer dans la pièce, comme par mystère, vous en êtes immédiatement informé, c'est le côté intuitif qui caractérise le Tao. Mais à bien y regarder, c'est normal car la guêpe c'est aussi le Tao. Et nul doute que la guêpe est tout autant avertie de votre présence. A moins qu'elle ne soit distraite par un désir de nourriture. Si vous êtes inquiets par la présence de cette guêpe, vous ouvrirez un œil, voir vous vous lèverez pour chasser cette guêpe. Mais si vous êtes très aguerri, vous ne quitterez pas le Rien, et vous irez jusqu'à la laisser se poser au coin de votre bouche. Si vous pratiquez ainsi le vide, par exemple dans une forêt, vous serez surpris de découvrir une multitude de petits êtres, insectes, grenouilles, oiseaux et parfois biches pour qui vous ne représentez aucun danger tout simplement parce que vous êtes à l'image du mystère, à l'image du Tao. Ce rien est le lieu de tous les possibles, vous êtes ouverts à tout, vous ne désirez-rien, vous incarnez le Tao, votre ego n'est plus, vous êtes immortel.


samedi 15 juin 2019

Le Tao en action



Le Tao est un mystère et c'est ce mystère qui lui donne une dimension sacrée. Car si le Tao, comme le dit Lao Tseu a précédé les dieux, sa mission est tout autant sacrée. 
Le Tao n'est pas éloigné de ce que les religieux appellent le divin. La différence vient du fait que les Taoïstes mettent ce mystère au cœur de la nature, de la vie, alors que nombre de religions mettent en scène un (ou plusieurs) Dieu créateur(s). 
Retrouver cette source que chacun héberge, souvent sans le savoir, est la clef que proposent les Taoïstes. Pour s'y référer, rien de plus simple (en apparence) faire taire le mental, laisser filer les pensées jusqu'à laisser de la place à ce qui se rapproche de l'intuition. 
Cette intuition peut paraître magique, mystérieuse. En fait, elle l'est par essence, car elle participe du mystère de la vie. Pourtant, à y regarder d'un peu plus près, elle s'explique par les liens sensoriels, essentiellement les 5 sens mais aussi la proprioception, qui existent entre l'individu et son
environnement et qui surgit lorsque l'individu se libère de l'ego. On le voit, l'instant présent, le lieu et l'instant sont le théâtre de l'intuition. Tout le reste est le propre du mental. et de l'ego Si ce dernier agit on coupe aussitôt le fil de l'intuition en se réfèrent au passé ou en imaginant l'avenir. Or l'intuition a trait à l'immédiateté. Et as-t-on besoin d'autre chose que l'immédiat pour agir ? Etre à l'écoute de cet immédiat, de cet ici et maintenant est l'une des clés du Taoïste. Mais, que l'on se rassure, le Taoïste n'en est pas pour autant le détenteur d'une quelconque mission divine. 
Car le propre du Tao est d'être sans désir, et sans agir. Aussi le Taoïste n'apporte aucun désir  qui pourrait venir d'un reste d'ego et pas plus d'acte personnel. Est-ce pour autant que l'on pourrait qualifier le Taoïste de je-m’en-foutiste ? Certainement pas ! Car dans son retour à l'équilibre, le Tao
est à l'oeuvre. Et Lao Tseu insiste bien en disant qu'il n'est rien qui ne s'accomplisse par le non-agir.
Finalement, ce mystère du Tao me fait penser au mystère de la chute d'Adam et Ève dans le jardin d'Eden. Car au fond, Adam et Ève étaient en communication directe avec Dieu avant de goûter au fruit de la connaissance du bien et du mal, et de céder à la tentation du désir (incarné par le serpent). Aussi avant le fruit, ils étaient intuitifs et suivaient le Tao (l'intuition sacrée) sans avoir besoin de quoique-ce soit d'autre. Après le fruit, après avoir succombé au désir, ils voient qu'ils sont nus, c'est à dire qu'ils se placent dans le temps et l'espace dans un devenir et un agir, leur ego est en construction.
Mais qu'ont donc fait Adam et Ève ? Que n'ont-ils rendu le fruit au serpent ! Et faire vœu de non désir ! Toute la philosophie du premier et deuxième testament aurait ainsi pu être évitée. Car oui, il faut en chacun de nous une part de sacrée, dont le mystère tient au fait qu'elle est inépuisable. Si nous puisons en elle toute la force d'amour qu'elle nous voue, il est certain que l'histoire de l'humanité s'en verra transfigurée.  

lundi 10 juin 2019

Suivre le Tao (bis)



Tao signifie voie en Chinois, aussi suivre le Tao signifie suivre la Voie. L'ennui est que suivre le Tao est fort délicat. Lao Tseu nous prévient : le chemin du Tao est la voie la plus large, mais l'homme ordinaire préfère les chemins de traverses. Or suivre la voie apporte à celui qui l'emprunte la vertu. Non pas les vertus comme la bonté ou la générosité, mais la vertu, c'est à dire la bonne attitude en fonction du contexte. Car suivre le Tao, c'est adopter la bonne attitude instant après instant. Pour cela l'homme du Tao observe l'état de l'instant présent et interroge son fort intérieur. Le point commun ? Le Tao. 
Aussi l'homme du Tao harmonise son fort intérieur avec l'instant présent. Mais le Tao est loin d'être un tyran, si tout va bien, il n'exige rien, c'est le non désir. De plus, si tout va bien, il n'est point besoin de changer l'instant présent, c'est le non agir. Car en règle générale tout va bien, en tous cas pour celui
qui se conforme au non désir.
Bien sûr, vous pourrez juger que votre maison est trop petite, que votre femme se maquille trop, que votre voiture est trop vieille, que votre fils est fainéant... Mais ces constats viennent en fait de vos désirs. Supprimez vos désirs et tout va bien. Alors bien sûr cela ne veut pas dire qu'il faille accepter la fatalité ! Mais dans un premier temps acceptez la situation telle qu'elle est, et voyez si vous pouvez y apporter quelque modification. Plutôt que de hausser la voix sur votre fils, faites une remarque constructive sans vous emporter, cela sera en accord avec  le Tao, et votre fils pourra saisir l'occasion (qui ne vient pas de vous) pour faire un effort. Cela sera d'autant plus efficace que vous lâchez prise de vôtre volonté de le voir se bouger. Eh oui le non désir est très
bon conseiller en matière de savoir vivre. L'idéal serait que votre fils rejoigne lui aussi le Tao. Mais cela est très difficile car un jeune est rempli de désirs. Et votre exemple est la meilleure pédagogie qu'il puisse trouver !
L'homme du Tao est discret, car il avance sans désir et construit sans agir. S'il peut éviter de s'attribuer les mérites, il le fait au profit du plus faible. Il est conscient que ce n'est pas son moi qui agit mais le Tao. Fort de ce constat, quand une corvée apparaît, il se porte volontaire, car il  sait qu'il ne rechignera pas à la tâche, et qu'au final, lui ou quelqu'un d'autre, c'est au Tao que reviendra la corvée, alors autant la faire dans la joie et la bonne humeur ! 
C'est pourquoi l'oeuvre du Tao est celle des sans nom, celle du peuple, celle des petites mains. L'oeuvre des hommes célèbres, des stars n'est pas celle du Tao. Parfois, un homme célèbre croise la voie de la destinée et devient célèbre, mais l'homme du Tao s'efface et préfère retourner à l’anonymat. L'exemple le plus célèbre pour les Taoïstes est celui de Lao Tseu lui-même. Car Lao-Tseu signifie vieux sage, et n'est en aucun cas le nom de l'auteur du Tao Te King.

Rechercher dans ce blog