Qui n'a jamais été contrarié par un désir non satisfait ? Eh bien celui qui déprime est le roi de ces contrariétés, il les cumule. Pour lui tout va mal, il voudrait plein de choses, mais rien ne lui convient... Le monde est une impasse. Et il voudrait sortir de cette impasse en empruntant le cul de sac, ceci est voué à l’échec. Et c'est la raison pour laquelle il souffre tant. Et comme il souffre, il désirerait encore plus aller mieux, mais cela aussi lui est interdit.
Il est complètement coincé dans la spirale du désir. Au début de sa déprime, il voulait peu de chose et récoltait quelques contrariétés, mais maintenant qu'il ne veut qu'une seule chose : aller mieux, et bien, comme les autres désirs, cela lui est refusé. Car l'homme qui déprime emprunte la spirale du désir. Il désire mais n'obtient pas alors il désire autre chose mais n'obtient pas non plus alors il désire moins mais n'obtient toujours pas, peu à peu, il s'épuise car il met de l'énergie dans ses démarches, peu à peu il devient désabusé, c'est le début de la déprime.
La spirale l’entraîne jusqu'au point où le désir porte sur sa santé, il voudrait guérir, mais ce désir ultime ne fait que s'ajouter aux autres désirs, et là encore c'est l'impasse !
Alors que faire ?
Eh bien, prendre le chemin à l'envers, sortir de l'impasse, et pour commencer, cesser de désirer. Lao Tseu appelle cela le non désir. Commencer par accepter plutôt que désirer. Tout va mal ? Eh bien soit tout va mal, je l'accepte, et je regarde ce qui m'arrive... Rien, en tous cas rien de mauvais. Si je me détache par non désir de ce qui m'affecte, je me lave peu à peu du mal qui me ronge. Et petit à petit, il m'arrive des choses positives, des rencontres, un film, un rayon de soleil, et tout ça m'arrive sans que je n'ai désiré quoique ce soit ! Simplement le fait de ne plus désirer, de ne plus être le nez dans le guidon fait que petit à petit je m'ouvre au monde. Et assez rapidement la déprime disparaît, le mal est guéri. Et je vous parle en connaissance de cause, car j'ai été pendant 30 ans bipolaire. J'alternais des périodes de déprime d'environ 6 mois avec des périodes
d'euphorie de quelques semaines. Je connais donc bien la déprime sévère. Et c'est la lecture de Lao Tseu en 2005 qui m'a permis de sortir de ce cercle vicieux. Car plus de désir, plus de déprime. Et de fait depuis 2005 je ne déprime plus.
Les périodes d'euphories ont été plus difficiles à combattre. Car naturellement, le Tao conduit à l'extase. Et le bipolaire amplifie cette extase. Le bipolaire est capable (pendant quelques temps seulement) de vivre à 200 à l'heure, il est complètement dans l'instant présent, il voit le Tao à l'oeuvre et il en profite. Le problème vient du fait qu'il ne fait plus la part de ce qui procède du Tao et ce qui procède de son mental, et il arrive souvent que son mental le fasse déraper. Depuis 2011 je m'efforce de ne plus déraper et cela (ajouté à quelque
médecine) m'a permis d'éviter les passages en hôpitaux psychiatriques. La simplicité est le maître mot de cette guérison. Aussi, si le Tao est à consommer sans modération, il faut être prudent avec les tours que peuvent vous jouer le mental, car lui procède presque toujours par désir. Oh des micro-désirs mais des désirs quand même. Par exemple le désir de se faire mousser au cours d'une conversation, ou le désir de profiter de quelques rayons de soleil, ou encore le désir de rester sur la route en conduisant, bref si l'on observe bien, on fait beaucoup de choses par désir ! Il est donc très difficile de ne pas tomber dans la spirale ! Mais en se détachant de tout cela, on revient à la simplicité première, celle du Tao, celle où il n'y a même plus d'extase, mais tout simplement la vie !