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mercredi 31 décembre 2014

Tao Te King chapitre 7




Le Ciel et la Terre sont éternels. S'ils durent toujours, c'est qu'ils ne vivent pas pour eux-mêmes.
C'est précisément ce qui leur permet de durer indéfiniment.

C'est pourquoi se mettant à la dernière place, le Saint Homme retrouve la première ;
oubliant son ego, il conserve son identité.
Parce qu'il ne poursuit pas des buts égoïstes, il réalise à la perfection ce qu'il entreprend.

mardi 30 décembre 2014

Tao Te King chapitre 6



L'esprit profond du Tao ne meurt jamais;
on l'appelle la Femelle mystérieuse.

La porte de la Femelle mystérieuse s'appelle la Racine du Ciel et de la Terre.
Elle dure perpétuellement et se dépense sans s'user. 

lundi 29 décembre 2014

Tao Te King chapitre 5



Le Ciel et la Terre sont neutres ; pour eux, tous les êtres sont comme des chiens de paille - [des marionnettes mues par le Tao, vouées au sacrifice] -. Le Saint-Homme n'a pas de préférence ; pour lui, les Cent familles sont comme des chiens de paille.

L'intervalle entre Ciel et Terre ressemble à un soufflet de forge,
vide mais inépuisable, dont le mouvement produit un souffle croissant.

Parler beaucoup épuise sans cesse ; mieux vaut garder le milieu.

dimanche 28 décembre 2014

Tao Te King chapitre 4



Le Tao est vide, mais insondable,
Quel abîme !

Il semble être le géniteur des dix mille êtres,
Il tempère ses ardeurs,
Illumine l'obscur,
Modère la lumière,
Unit la poussière,

Oh ! qu'il est pur !

Il semble subsister de toute éternité. Je ne sais de qui il pourrait être le fils; il parait être antérieur à Dieu lui-même.

samedi 27 décembre 2014

Tao Te King chapitre 3




Ne pas glorifier les mérites pour que le peuple ne se lance pas dans une compétition stérile;
Ni estimer les biens rares, pour que le peuple ne vole pas;
Ni étaler ce qui excite la convoitise, pour que les cœurs ne soient pas troublés.

C'est pourquoi le Saint-Homme a pour règle de :
faire le vide dans le cœur,
emplir modérément le ventre,
affaiblir la volonté,
fortifier les os,
faire en sorte que le peuple soit sans avoir et sans désir,
et que ceux qui le pourraient n'osent pas agir.

Il pratique le Non-agir et il n'est rien qui ne soit bien dirigé certes ! 

vendredi 26 décembre 2014

Tao Te King chapitre 2



Tous sous le ciel reconnaissent le beau mais font ainsi naître le laid !
Tous reconnaissent le bien et font naître le mal !
C'est ainsi que l'être et le non-être naissent l'un de l'autre,
que le difficile et le facile s'accomplissent l'un par l'autre,
que mutuellement le long et le court se délimitent,
le haut et le bas se toisent,
le son et la voix s'harmonisent,
l'avant et l'après s'enchaînent.

C'est pourquoi le Saint-Homme demeure dans le Non-agir.
Il enseigne sans parler.
Tous les êtres agissent, et il ne leur refuse pas son aide.
Il produit sans s'approprier, travaille sans rien attendre, accomplit des œuvres méritoires sans s'y attacher, et, justement parce qu'il ne s'y attache pas, elles perdurent.

jeudi 25 décembre 2014

Tao Te King chapitre 1




Ce qui peut être écrit n'est pas le Tao
Ce qui peut être dit n'est pas le Tao

Sans nom, il est source du ciel et de la terre.
Avec un nom, il est la mère protectrice des dix mille êtres.

Aussi, un Non-désir éternel est son essence,
mais le Désir éternel génère des limites.

Ces deux états forment un tout inséparable, et différent seulement de nom.
Pensés ensemble : mystère ! Mystère des mystères !

C'est la porte de tous les possibles.

mercredi 24 décembre 2014

Joyeux Noël


Noël arrive, et avec lui sa cohorte de cadeaux.
Ce que je vous propose n'est pas une nouveauté, car le Tao Te King a 25 siècles d'âge !
Seulement voilà, je voulais vérifier que cet ouvrage était plus lumineux qu'il n'y parait à première lecture, car le Tao obscurcit parfois mais surtout éblouit de traits de génie.
J'ai donc repris la traduction des "anonymes" Marc Haven et Daniel Nazir et je me suis aidé de la traduction de Stanislas Julien et de celle de Daniel Giraud que l'on vient de m'offrir.
Celle de Daniel Giraud étant proche du mot à mot, cela m'a permis de déceler le travail des autres traducteurs me permettant parfois d’ôter, plus rarement d'ajouter pour faire sens à ce qui me paraissait encore obscure.
Cest donc une version très proche de celle de Marc Haven et Daniel Nazir que je vous propose, avec quelques modifications de mon cru. Cela n'a aucune prétention. Et si vous trouvez encore certains passages peu clairs, je suis prêt à en débattre avec vous.

Joyeux Noël !

vendredi 19 décembre 2014

Agir sans agir



Voici un livre que m'a envoyé mon anonyme préféré(e), dont le titre "agir sans agir" est, pour le taoïste que je suis devenu, très évocateur.


Dans sa non action, le Tao est des plus actifs. Autour de nous, les arbres bougent, le vent souffle, le chat trottine sur le trottoir, un couple d'amoureux se tient par la main, le soleil et la lune suivent leur révolution à travers les astres... Une succession de cause et d'effets s'entremêlent, et ne sont possible que grâce à l'équilibre du tout (non agir du Tao). Bref tout bouge autour de nous. Et cela se fait sans nécessiter le moindre effort de notre part. 
Voilà qui d'un point de vue spirituel est voué à l'échec !
Seulement voilà, il faut bien se nourrir. Il faut bien trouver un moyen d'avoir de l'argent, faire ses courses, faire la cuisine, la vaisselle etc. La vie nous impose des tâches. Faut-il ne pas s'y conformer ? Certains d'entre-nous se lancent à corps perdu dans ces tâches quotidiennes, et se laissent submerger par elles. Pourtant, il est possible de gérer ce quotidien avec économie. N'agir que lorsque c'est vraiment nécessaire, et surtout lorsque l'occasion se présente ou lorsque le besoin s'en fait sentir.
Aussi, l'apprenti Taoïste va se désinvestir peu à peu de ces tâches quotidiennes pour ne garder que l'essentiel et ainsi avoir tout le loisir de suivre le Tao. Petit à petit, ce sont les tâches elles mêmes qui vont se fondre dans le Tao et notre apprenti Taoïste n'aura plus même l'impression d'agir, c'est le miracle de la non action, de l'amour. Car suivre le Tao donne des ailes, tout semble se faire sans le moindre effort. Il s'agit en fait d'un retour naturel à l'équilibre. Ce qui demande des efforts, ce sont des actes déséquilibrés. 
Non agir, c'est un peu comme glisser sur la glace,
sans effort.

Passer une journée d'action dans l'inaction est d'une richesse incroyable. On ne se fixe aucun but, et on se laisse aller au gré du vent ivre de découvertes, de nouvelles sensations, capable de braver des interdits et de découvrir de nouveaux horizons. Lorsque l'on vit cela, il y a comme une exaltation, à croire que le Tao vous en sait gré. Et en fait, c'est bien ce qui se produit. L'univers dans lequel on évolue nous remercie à sa manière d'avoir retrouvé l'Unité existentielle. En fait l'univers ne peut agir que par relation de cause à effet. Mais lorsque l'objet et la cause sont de même nature, l'effet se trouve amplifié par cet équilibre des forces. C'est ce qui se produit lorsque l'homme humble se met au niveau de la nature qui l'entoure.
Il y a de la magie dans l'effet ressenti. C'est à la fois naturel et magique. C'est ce que l'on nome communément l'Eveil.


vendredi 12 décembre 2014

L'art d'être conscient

L'état de pure conscience est souvent assimilé à l'éveil. Le lecteur incrédule sera tenté de dire, mais moi, je suis conscient, je suis donc éveillé! Et la réponse est oui et non. Non, bien sur, car l'homme ordinaire se berce de l'illusion d'être un être séparé, ses actes sont guidés par ses désirs et non par le Tao. Mais la réponse est aussi oui, car l'homme ordinaire, humble, nu, est le point de départ auquel il convient de revenir pour prétendre à l'éveil.

Alors on est en droit de se demander, en quoi consiste l'art d'être conscient ?
Comme on vient de le dire, être conscient nécessite d'être libre de l'emprise de l'ego. Il faut donc lâcher prise de toute pensée ayant rapport à sa petite personne. Il faut donc lâcher un à un les désirs, mais aussi les peurs et les angoisses. Faut-il pour autant se couper des sens et des sensations ? Non! C'est tout l'inverse. Tout le corps doit être en alerte. En fait l'être conscient est presque intuitif, presque instinctif. Cela veut dire qu'il fait passer la perception de son environnement avant lui-même. Je ne penses pas que l'on puisse dire pour autant qu'il soit primaire, grossier. Pour s'en convaincre, il suffit de lire quelques chapitres du Tao Te King ! Lao Tseu est tout le contraire d'un être primaire, c'est un homme réfléchi et tout ce qu'il y a de plus logique. Cependant, Lao Tseu a vu l'intérêt qu'il y avait pour un homme de renoncer à ses désirs et de non-agir, c'est à dire d'agir en conformité avec le Tao, qui, lui aussi est pur non-agir. Cet intérêt provient du fait que la démarche du non-agir et du non-désir ouvre la porte à une dimension spirituelle de l'être. Lao Tseu dit que "le monde est chose spirituelle".
Autrement dit, l'homme qui s'attache à des biens matériels, à un savoir ou a des êtres chers, voir à lui-même, se coupe de cette dimension spirituelle du monde et manque l'éveil.
Aussi, l'art d'être conscient s'apparente un peu au striptease. Il s'agit d'un effeuillage progressif des attributs que l'on croit être nécessaire à sa propre personne. Il ne s'agit pas d'une perte de sa personnalité, mais d'un acte de purification.
Etre conscient, c'est être en contact avec le Tao, avec la perception fine des choses. Cette perception est impossible, si le mental pollué par l'ego est présent voir envahissant.
L'art d'être conscient, c'est donc vivre sans son mental, ou plutôt en ne lui conservant que les tâches de survie, ce qui tous comptes faits est sa seule raison d'être.
Par exemple un artiste peintre pourra se fier à son instinct ou a son mental pour peindre sa toile. Dans le premier cas, il s'agira d'un trait de génie, dans l'autre d'une composition "alimentaire".
Un autre nom pour la pure conscience est l'Esprit.
Ce qu'il y a de remarquable pour celui qui s'est patiemment effeuillé au point d'être nu, totalement réceptif, c'est que les pensées de l'Esprit qui naissent en lui sont toujours bienveillantes pour l'être est son environnement. Par exemple, peu à peu, il deviendra végétarien pour ne pas nuire aux animaux.
La pure conscience, ce n'est que du positif !
Se purifier n'est pas évident, c'est pourquoi il s'agit d'un art, l'art d'être conscient.    

Librement inspiré de la page facebook, l'art dêtre conscient.

samedi 6 décembre 2014

Les deux barques (version Zen)


Vous vous souvenez peut-être de l'histoire des deux barques de Tchouang Tseu :

"Imaginez une double barque traversant un fleuve. Qu'une autre barque vide qui dérive vienne à la heurter, les mariniers fussent-ils des hommes d'esprit mesquin, ne se fâcheront pas. Mais s'il y a un homme dans la barque, ils crieront pour qu'il la gare. S'il ne les entend pas, il crieront une deuxième fois; s'il ne les entend toujours pas, ils le poursuivront d'injures. En résumé, la barque n'excite pas la colère si elle est vide; elle ne la provoque que lorsqu'elle est occupée. Ainsi qui pourra faire du mal à celui qui aura su se vider de son moi?"

Voici la version Zen de cette histoire :




La barque et les deux moines :

Un soir d'automne, le brouillard épais masque presque entièrement la rivière Saïtama. Un moine et un jeune novice s'apprêtent à la traverser sur une barque légère. Les flots sont jaunes et tumultueux, un vent violent s'est levé :
"Maître, je sais bien que l'on nous attend au monastère de Rishiko, mais ne serait-il pas prudent de remettre notre visite à demain? Nous pourrions manger une boulette de riz, et dormir dans la hutte de branchages que j'aperçois là-bas.
-..."
Son maître gardant silence, Kasuku se résigne à embarquer, et commence à ramer. On ne voit de l'autre rive qu'une ligne sombre perdue dans le brouillard.
"Maître, la rivière est large et le vent qui souffle par le travers nous empêche d'avancer à notre gré.
-..."
Une dizaine de minutes s'écoulent, qui semblent une heure à Kasuku. Il rame en silence, le cœur inquiet. 
Soudain, lâchant les rames, il se dresse, le bras levé :
"Maître, Maître ! Regardez cette barque qui émerge du brouillard, elle vient droit sur nous !
-...
- Maître, elle va nous heurter, nous éventrer, nous allons chavirer. Ohé, du pilote ! Oh, oh, du pilote ! Si je tenais celui qui gouverne cette embarcation, je lui assénerais un bon coup de bâton qui lui ôterait l'envie de mettre en danger de saints hommes comme nous.;;
-...
- Maître, voyez la barque approche, elle va nous éperonner de sa proue effilée. J'aperçois maintenant le pilote, ce timonier assassin dort paisiblement !
-...
- Maître, la barque est tout près ! Par brahma ! Que ce pilote criminel soit maudit, que le cycle des renaissances s'étende sur un million d'années, qu'il soit chacal, hyène, rat, punaise..."
A l'instant du choc, un remous opportun, ou une manœuvre habile du maître, écarte le danger, et les deux barques indemnes poursuivent leur chemin.
"Tu as observé l'intérieur de la barque, Kasuku ? demande le moine zen.
- Oui, Maître. La forme que je prenais pour un homme était un sac de grains.
- Dis-moi, Kasuku, contre qui t'es-tu emporté ?"


Extrait de :"Les plus beaux contes zen" de Henri Brunel chez calmann-lévy. 

dimanche 30 novembre 2014

Merci



Oui, un grand merci à l'inconnu(e) qui m'a offert ce livre (aux éditions Almora).

J'espère qu'il (elle) se reconnaîtra.

Ce livre est d'une pertinence rare : la pertinence de l'impertinence.

Merci donc pour ce présent.  Oliver 

samedi 29 novembre 2014

Le but ultime


Le Tao est une voie qui par la Vertu mène à l'éveil.
Le but ultime de l'éveil est la fusion avec le Tao.
L'être se trouve uni avec le tout, l'un.
Le disciple et l'univers ne font plus qu'un.
Ne faisant plus qu'un, il n'y a plus d'acte égotique.
Ne faisant plus qu'un, il n'y a plus de désir personnel.
Il ne reste que l'action du principe, du Tao qui agit nécessairement avec Vertu.

L'esprit du disciple est alors fixe.
Il est attentif aux mouvements du Tao.
Indifférent, il suit ses mouvements.
Le disciple s'est affranchi de tout attachement.
Il est donc libre, libéré, le Tao est une voie qui libère.
Le disciple parvient à l'immortalité
car son esprit a fusionné avec le principe.
L'esprit ne s'évade plus vers le passé ou le futur.
L'esprit reste vigilent au présent.
Instinctif, intuitif, il construit une vie simple mais pleine.


Le vide est plénitude.
Le rien, le non être devient tout.
L'instant devient grâce.
L'esprit est en paix. Libre de toute émotion.
Le bonheur est atteint.
Avec lui, l'envie de partager du Bodhisattva.



samedi 22 novembre 2014

Sagesse Orientale : en France opus 11



Tout ce que nous pensons et toutes les manières dont nous pensons ont leur origine en Asie. Il est donc intéressant de savoir ce que l'Asie pense encore et comment elle le fait [...].
[Les asiatiques] ont peur de manquer Dieu ou même que Dieu les manque. [...]

Gobineau XIXème siècle



Il est des vérités qu'il est nécessaire de dire et de redire avec insistance, si déplaisantes qu'elles soient pour beaucoup de gens : toutes les supériorités dont se targuent les Occidentaux sont purement imaginaires, à l'exception de la seule supériorité matérielle...
[...]
Le mot "ascèse" désigne proprement un effort méthodique pour atteindre un certain but, et plus particulièrement un but d'ordre spirituel, tandis que le mysticisme, en raison de son caractère passif, implique plutôt,[...] l'absence de toute méthode définie. Le détachement vis-à-vis de l'action, dont nous parlions à propos du "non-agir", est avant tout parfaite indifférence en ce qui concerne les résultats qu'on peut en obtenir, puisque ces résultats, quels qu'ils soient, n'affectent plus réellement l'être qui est parvenu au centre de la "roue cosmique".
[...]
Par contre, les Orientaux ont une tendance très marquée à se désintéresser des applications, et cela se comprend aisément, car quiconque s'attache essentiellement à la connaissance des principes universels ne peut prendre qu'un médiocre intérêt aux sciences spéciales, et peut tout au plus leur accorder une curiosité passagère, insuffisante en tout cas pour provoquer de nombreuses découvertes dans cet ordre d'idées.
[...]
Le bouddhisme n'est pas plus "athée" qu'il n'est "théiste" ou "panthéiste" ; ce qu'il faut dire simplement, c'est qu'il ne se place pas au point de vue par rapport auquel ces divers termes ont un sens ; mais, s'il ne s'y place pas, c'est précisément qu'il n'est point une religion.

Guénon XXème siècle



[Les ermites] passent la plus grande partie de leur temps à prier dans leur kutiar ; la prière n'est cependant pas toujours religieuse dans le sens chrétien du terme, mais plutôt un exercice spirituel de purification intérieure.
[...]
Un jour, j'ai tenté un swami en lui demandant s'il était nécessaire de s'initier à l'hindouisme pour connaître Dieu. Cette question l'a vivement étonné et il m'a répondu qu'aucune conversion n'était nécessaire, que si j'amais l'hindouisme je pouvais en accepter les idéaux, voilà tout. Il a néanmoins ajouté que si mon amour de l'hindouisme était sincère, cela prouvait une seule chose, à savoir que j'étais Indien dans ma précédente existence...
Ils disent "nous sommes tous Un" et, ce qui est important, ils ne cessent de mettre en pratique cette affirmation. Ils s'entraident, se dépersonnalisent devant leurs amis et pratiquent le seva (service).
[...]
Le yoga aussi bien que la samkhya professent le dualisme : d'une part la matière, et, de l'autre, l'esprit. Cependant, ce n'est pas le dualisme qui m'intéressait, c'est le fait que, dans la samkhya et le yoga, l'homme, l'univers et la vie ne sont pas illusoires. La vie est réelle, le monde est réel. Et l'on peut conquérir le monde, on peut maîtriser la vie. Qui plus est, dans le tantrisme par exemple, la vie humaine peut être transfigurée par des rituels, effectués à la suite d'une longue préparation yogique. Il s'agit d'une transmutation de l'activité physiologique, par exemple de l'activité sexuelle. Dans l'union rituelle, l'amour n'est plus un acte érotique ou un acte simplement sexuel, c'est une sorte de sacrement; exactement comme boire du vin, dans l'expérience tantrique, ce n'est pas boire une boisson alcoolisée, mais partager un sacrement...
[...]
Eh bien, en Inde, il m'est arrivé de vivre dans un village du Bengale, et j'ai vu des femmes et des jeunes filles qui touchaient et décoraient un lingam, un symbole phallique, plus exactement, un phallus de pierre anatomiquement très exact ; et, bien entendu, les femmes mariées, au moins, ne pouvaient ignorer sa nature, sa fonction physiologique. J'ai donc compris la possibilité de "voir" le symbole dans le lingam. Le lingam, c'était le mystère de la vie, de la créativité, de la fertilité qui se manifeste à tous les niveaux cosmiques.
[...]
Cette union sexuelle (maithuna) n'est plus dès lors un acte biologique instinctif, mais un rituel par lequel le couple humain devient un couple divin.

Eliade XXème siècle


Nous avons dit que la non-violence est chose simple. Nous n'avons pas dit qu'elle est facile. Il est déjà beau de savoir et de faire admettre qu'elle est possible. Même si elle coûte de la fatigue, de la peine et surtout de la pensée, elle coûte moins que la violence. Et il ne s'ensuit pas de défaite, d'humiliation et de revanche. C'est la sagesse, et la sagesse est une immense épargne de souffrances et de crimes.
[...]
Pour son bien et pour le bien de tous, [le citoyen] doit donc apprendre aussi la "désobéissance civile".
[...]
Quel est l'avenir de la non-violence en Occident ? La question pourrait aussi bien se poser en ces termes : l'Occident a-t-il un avenir ? Car il est évident que les rivalités nationales et sociales d'une part, l'excroissance de la science et de la technique de l'autre mènent, comme deux rails, tout droit à l'abîme.
La bonne nouvelle, la seule chose éternellement nouvelle, c'est qu'un autre chemin est ouvert.
[...]
Toute connaissance d'autre chose commance par la connaissance de soi et ne va jamais plus profond que cette connaissance.
[...]
La connaissance de soi est une discipline spirituelle, une tradition millénaire aux méthodes universelles et immuables.
Moi je... Presque toutes nos phrases commencent ainsi. Et nous croyons bien savoir de quoi nous parlons. Mais si quelqu'un nous demandait : "Moi ?  Qu'est cela ?" il nous arriverait peut-être de nous apercevoir que nous ne savons pas répondre. Donnez-moi une définition du mot "moi". Cherchez la dans le dictionnaire ou plutôt ne cherchez pas car il n'y en a point. Surtout ne me dites pas que c'est "la première personne du singulier" car cette personne là n'est pas assez première ni assez singulière pour être moi!
[...]
Il y a trois choses qui n'ont pas de définition : moi, l'être et l'odeur des lilas. Serait-ce pour la même raison ?
[...]
Une discipline demande un maître. Il faut suivre un maître vivant ou au moins des règles traditionneles interprétées avec prudence.

"Je pense donc je suis", dit un philosophe qui croit énoncer une évidence. Hum ! Je ? Qui pense, qui mène la pensée ? Si c'est alle qui m'entraîne où il lui plaît, je suis le jouet de ma pensée, je n'en suis pas l'auteur. Je ne peux pas dire "je pense" mais seulement "il pense" comme on dit "il pleut";
Mais toute action commence par la pensée, aucun de mes actes ne m'appartient et toute ma vie est livrée au hasard.

Lanza del Vasto  XXème siècle

Tous ces textes sont issus du livre : "Les plus grands textes de la philosophie Orientale" de Denis Huisman et Marie-Agnès Malfray chez Albin Michel


vendredi 14 novembre 2014

Sagesse Orientale : Le Judaïsme opus 10



Avant d'avoir créé aucune forme dans ce monde ; avant d'avoir produit aucune image, il était seul, sans forme, ne ressemblant à rien. Et qui pourrait le concevoir comme il était alors, avant la création, puisqu'il n'avait pas de forme ? Aussi est-il défendu de le représenter par quelque image et sous quelque forme que ce soit, même par son saint nom, même par une lettre ou par un point. Tel est le sens de mots : Vous n'avez vu aucune figure le jour où l’Éternel vous parla ; c'est à dire vous n'avez vu aucune chose que vous puissiez représenter sous une forme ou par une image.
[...]
Dans toute l'étendue du ciel, dont la circonférence entoure le monde, il y a des figures, des signes au moyen desquels nous pourrions découvrir le secrets et les mystères les plus profonds. Ces figures sont formées par les constellations et les étoiles, qui sont pour le sage un sujet de contemplation et une source de mystérieuses jouissances... Celui qui est obligé de se mettre en voyage dès le matin n'a qu'à se lever au point du jour et à regarder attentivement du côté de l'orient, il verra comme des lettres qui marchent dans le ciel, l'une montant, l'autre descendant. Ces formes brillantes sont celles des lettres avec lesquelles Dieu a créé le ciel et la terre ; elles forment son nom mystérieux et saint.

Le Zohar XIIIème siècle



Iahvé, notre Dieu, a conclu une alliance avec nous, à Horeb : ce n'est pas avec nos pères que Iahvé a conclu cette alliance, mais avec nous, nous qui sommes ici aujourd'hui, tous vivants.
[...]
Tu ne te prosterneras pas devant eux [d'autres dieux] et tu ne les serviras pas. Car moi, Iahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, punissant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et la quatrième génération, pour ceux qui me haïssent, et faisant grâce jusqu'à la millième pour ceux qui m'aiment et qui observent mes commandements.
[...]
Acclamez son peuple, ô nations,
car il venge le sang de ses serviteurs
et il retourne la vengeance contre ses adversaires,
tandis qu'il purifie le sol de son peuple.
[...]

Moïse   XIVème ? VIème siècle av JC


La raison et l'intelligence exigent que l'homme se soumette à Dieu. Mais entre le moment où apparaissent les bontés dont l'homme bénéficie et celui où il est susceptible de reconnaître son devoir s'écoule un temps considérable.
Un avertissement doit éclairer l'homme dans ses œuvres et sa foi pour qu'il ne demeure pas sans religion au temps où sa raison se forme. Cet avertissement est double. L'un implanté dans l'intelligence est inné à l'homme. Le second s'acquiert par voie traditionnelle : c'est la Torah, transmise aux hommes par les prophètes pour leur montrer le chemin de la soumission, qu'ils ont le devoir de suivre.
[...]
Toutes les lois, les ordres, les peines promulgués par nos Livres prouvent avec évidence que les actes de l'homme sont libres. Ainsi la gloire du Seigneur est innocente du bien et du mal, de la droiture comme de la perversité de chacun.

Ibn Paquada   XIème siècle



[Le ptophète], disant : "Le loup demeurera avec l'agneau et le léopard se couchera avec la chèvre, etc. ; la vache et l'ours iront paître ensemble, etc. et le nourrisson jouera, etc." (Isaïe, XI, 6-8). Il en indique ensuite la cause, en disant ce qui fera cesser ces inimitiés, ces discordes, ces tyranies, c'est que les hommes posséderons alors la vraie connaissance de Dieu. Il dit donc : "Ils ne feront aucun mal, aucun ravage, sur toute la montagne sainte; car la terre sera remplie de la connaissance de Dieu, comme les eaux couvrent le fond de la mer" (ibid., v.9). Sache bien cela.
[...]
Voici donc le résumé succinct de ces différentes opinions : toutes les conditions variées dans lesquelles nous voyons les individus humains, Aristote n'y reconnaît que le pur hasard ; les Ascharites y voient l'effet de la seule volonté [divine]; les Mo'tazales, l'effet de la sagesse [divine], et nous autres [Israélites], nous y voyons l'effet de ce que l'individu a mérité selon ses oeuvres.   

samedi 8 novembre 2014

Sagesse Orientale : Terres de l'Islam opus 9



Comme à l'égard des Principes, on ne peut se représenter une proximité locale, mais une proximité qui consiste dans les qualifications, plus les hommes se séparent des Ténèbres, plus aussi ils se rapprochent des Principes.
[...]
Et ces trois êtres : Beauté, Amour, Nostalgie, éclos d'une même source originelle, sont frères l'un de l'autre. Beauté, qui est le frère aîné, se contempla soi-même. Elle eu vision d'elle même comme étant le bien suprême ; l'allégresse naquit en elle et elle sourit. Alors des milliers d'Anges du plus haut rang furent manifestés, éclos de ce sourire. Amour, le frère moyen, était le compagnon familier de Beauté. Il ne pouvait détacher d'elle son regard, et restait serviteur assidu à son service. Lorsque lui apparut le sourire de Beauté, il fut pris d'un vertige de folie ; il fut bouleversé. Il voulut faire un mouvement, s'en aller. Mais Nostalgie, le plus jeune frère, se suspendit à lui. Et c'est de cette suspension de la nostalgie étreignant l'amour que prirent naissance le ciel et la terre.
[...]
La perception de l'intellect est plus puissante que la perception des sens, parce que les sens ne perçoivent que les apparences des choses, tandis que l'intellect perçoit aussi bien l'apparence que l'invisible des choses. L'intellect perçoit davantage, parce que les objets perceptibles par l'intellect sont sans limites, tandis que les sens ne perçoivent que des choses limitées. L'intellect est incommensurablement plus noble et plus essentiel aussi, puisque les sens sont destructibles, tandis que l'âme est indestructible.

Sohravardi XIIème siècle


Si l'on dit : Je suis Un,
Son Être l'est aussi !
Si on affirme mon être,
La dualité en résulte !

Bien que composé
Il est subtil et pur.
On visionne un unique
La raison pourtant admet un second !
[...]
On a proposé des définitions de l'amour, mais je n'ai connu personne qui ait pu définir ce qu'il est en soi. On ne peut même pas concevoir qu'elles soient valablement données.
Quiconque tenterait de le définir ne le ferait qu'à l'aide des fruits qu'il produit, des traces qu'il laisse et des conséquences qui lui sont inhérentes puisqu'il demeure un attribut de la parfaite et inaccessible Puissance qui est Dieu lui-même.[...][Comme on questionnait Abu-l-Abbas al-Dahajj, sur l'amour,] il répondit : "La jalousie est un des traits de l'amour et elle dédaigne tout sauf de se voiler pudiquement. Aussi ne peut-il être défini."
[...]
Connaît [l'amour] celui en qui il s'établit et dont il est l'attribut sans toutefois que cet être soit en mesure de connaître sa nature et de nier sa réalité.
[...]
Ô mon ami, considère les désirs de ton âme et vois quel est leur statut au regard de la Loi. Si celle-ci te prescrit de les accomplir, alors accomplis-les. Si en revanche elle te prescrit de n'en rien faire, alors renonce.
[...]
1. Celui qui marchait dans les ténèbres des nuits observa les étoiles et alluma la lampe.
2. Jusqu'au moment où la pleine lune dirigeant sa lumière, il délaissa les étoiles et attendit d'être au matin.
3. Jusqu'au moment où, l'obscurité s'étant entièrement dissipée et ayant vu l'aurore briller à l'horizon.
4. Il délaissa les lampes, toutes les étoiles et la pleine lune, et guetta la lumière éclatante.

Ibn Arabi XIIème siècle


Acharné jour et nuit à scruter mon destin,
Je ne sais d'où je viens, je ne sais où je vais.
Pourquoi mon existence ? Pour quel exil ?
Mais non, je suis venu de là-haut, je dois y retourner.
Je sius le rossignol du paradis, en cage pour quelques jours.
Joie ! Un jour viendra où je m'envolerai vers le bien-aimé,
Mes ailes battront dans sa demeure !
Mais quel est celui qui à la fois m'écoute et parle avec mon souffle ?
Quel est celui qui me regarde avec mes yeux et dont la vie est ma vie ?
C'est Toi, Seigneur, mon âme c'est Toi.
Tu es là, je Te trouve.
Plus de repos pour moi, ma voix ne pourra plus se taire.
Guide-mo, montre-moi le chemin de Ta demeure,
Je veux goûter l'ivresse de l'Union.
[...]
Que dois-je donc faire, ô croyants ? Je ne me connais pas moi-même : je ne suis ni chrétien ni juif, ni mazdéen ni musulman, ni d'orient ni d'occident, ni de la mer ni de la terre, ni des cieux en rotation ni des mines de la Nature... Ma place est de n'en point avoir, mon signe est de n'en point montrer. Ne possédant âme ni corps, j'appartiens à l'Esprit suprême. Bannissant la dualité, je n'ai plus vu qu'un univers. Lui ! Je le cherche et le connais ; je le perçois et je l'appelle. Lui ! c'est l'alpha, c'est l'oméga.
[...]
L'amour, c'est s'envoler au ciel, à tout instant fendre cent voiles, d'abord renoncer à soi-même et, pour finir, se perdre en Dieu, considérer comme irréelle la vision de ce bas-monde, ne pas voir effectivement ce qui tombe sous le regard. "Ô mon cœur ! dis-je, quel bonheur ! entrer au cercle des mystiques, voir au delà de ce qu'on voit, descendre au gouffre intérieur ! D'où vient cet élan, mon âme ? Ô cœur !  d'où te vient cet émoi ? Prends le langage des oiseaux : je puis comprendre ton secret". Et l'âme dit : "Je demeurai tout près de Dieu tant qu'Il pétrit le corps humain ; puis je voulus m'enfuir du monde qu'Il créa ; mais j'y fus captive, épuisée, et comme au moule façonnée."
[...]
L'un mange et ne donne naissance qu'a lavarice et à la haine ; l'autre fait de même, et de lui naît tout l'amour spirituel. L'u ressemble à un terrain pur, l'autre au mauvais terrain salé. Celui-ci c'est un ange pur ; l'autre un diable, une bête brute. Or ils se ressemblent tous deux par l'apparence, c'est admis ; l'onde amère est limpide aussi bien que l'eau douce; mais qui saura les distinguer hormis l'homme de goût ?

Rumi  XIIIème siècle


Celui qui ne se sert pas de son argent et de son or pour faire la charité sacrifie sa vie future à son désir d'amasser l'or, l'argent. Si tu désires les richesses de ce monde, sois généreux envers tes semblables comme Dieu a été généreux envers toi.
[...]
Partout où l'arbre de la générosité prend racine il dresse ses branches vers le ciel. Si tu espères jouir de ses fruits, je te supplie de n'y pas mettre la cognée.
[...]
Sois un homme en réalité ; sinon tu n'es qu'un perroquet qui dira les mêmes paroles dans la langue d'un être humain. Tu as vu l'oiseau s'envoler ; donc, des entraves du désir échappe-toi car tu verras l'essor de ton humanité. N'étais-tu pas un être humain qui restait captif du démon.[...]L'homme peut atteindre au degré où il ne voit plus rien que Dieu : considère à quelle grandeur parvient l'état d'humanité !
[...]
Le mystique Chibli, sortant de la boutique d'un commerçant en blés, emportait au village, sur son épaule, un sac bien empli de froment. Or, regardant de près, il vit parmi les grains une fourmi courant éperdue en tous sens. Plein de pitié, n'ayant pu dormir de la nuit, il rapporta l'insecte à sa demeure.[...]"Ne tourmente pas la fourmi qui traîne son grain de froment, car elle vit ; et l'existence est une chose bonne et douce". Celui qui veut que la fourmi soit malheureuse possède une âme noire, et son cœur est de pierre. De ton bras vigoureux, sur la tête du faible ne frappe pas ; peut-être, un jour, tu tomberas sous ses pieds, écrasé, faible comme fourmi.
[...]
L'homme de Dieu n'est étranger ni au levant ni au ponant, car en quelque endroit qu'il se rende, le royaume de Dieu est sien. Celui qui devient étranger à grandeurs, honneurs et richesses rencontrera des compagnons en quelque pays qu'i arrive. Tous les mortels à courte vue ne demandent que leur repos ; mais l'unité cherche l'épreuve car il y trouve son bien-être.[...]A tout être humain que frappa le glaive de l'amour divin, dis donc : "Ne te chagrine pas ! l'empire de l'éternité compensera ton sacrifice." De la main de l'Ami céleste, tout ce que tu reçois est doux ; cherche donc à le satisfaire, ô Saadi ! sans penser à toi.

Saadi  XIIIème siècle


"Louange à Dieu, dont les bienfaits devancent nos désirs ; qui inspire la reconnaissance de Ses dons à ceux qu'Il a guidés ; qui accorde en récompense aux bienfaiteurs Son amour : le bien le plus précieux.

Ibn Khaldoun XIVème siècle

vendredi 31 octobre 2014

Sagesse Orientale : Terres de l'Islam opus 8



Apprends-moi ce que tu sais, Seigneur !
Avant même la venue des châtiments que tu as conçu, Ô Sage,
Le juste vaincra-t-il le méchant ?
Car c'est en cela que consisterait, on le sait, la réforme de l'existence.
[...]
Ecoutez de vos oreilles ce qui est le souverain bien;
Regardez d'une pensée claire les deux partis
Entre lesquels chaque homme doit choisir pour soi-même,
Veillant d'avance à ce que la grande épreuve s'accomplisse en notre faveur.

Or, à l'origine, les deux esprits qui sont connus comme jumeaux
Sont l'un le mieux, l'autre le mal
En pensée, parole, action ? Et entre eux deux
Les intelligents choisissent bien, non le sots.

Et lorsque ces deux esprits se rencontrèrent,
Ils établirent à l'origine la vie et la non-vie.
Et qu'à la fin la pire existence soit pour les méchants,
Mais pour le juste la Meilleure Pensée.
[...]
Voilà ce que je te demande, Seigneur - réponds-moi bien :
Qui a été, à la naissance, le père premier de la Justice ?
Qui a assigné leur chemin au soleil et aux étoiles ?
Qui est celui, si ce n'est toi, par qui la lune croît et décroît ?
Qui a fixé la terre en bas, et le ciel des nuées, qu'il ne tombe ?
[...]
Qui est, Ô Sage, le créateur de la Bonne Pensée ?
Quel artiste a fait la lumière et les ténèbres ?

Zoroastre ou Zarathustra VIIème siècle av JC


Il y avait Dieu et la matière, la lumière et l'obscurité, le bien et le mal, en tout les plus contraires possibles, au point de ne communiquer en rien.

Celui qui demande à rentrer en religion doit savoir que les deux principes, de la lumière et de l'obscurité, ont des natures absolument distinctes...[...]La nature de la lumière est la sagesse; la nature de l'obscurité est la sottise; dans tout leur mouvement et dans tout leur repos, il n'est aucun cas où ces principes ne s'opposent.

Mani  IIIème siècle



Les mécréants ne seront garantis contre Dieu, ni par leur richesses, ni par leurs enfants. Ils seront voués au feu pour l'éternité.
[...]
Prophète, incite les croyants à combattre. S'il se trouve parmi vous vingt combattants fermes dans la lutte, ils vaincront deux cents infidèles. S'il s'en trouve cent, ils en vaincront mille, car leurs adversaires sont des gens qui ne comprennent pas.
[...]
Craignez Dieu et soyez convaincus qu'il est implacable dans ses sanctions.
[...]
Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des qualités par lesquelles Dieu vous a élevés les uns au dessus des autres et en raison des dépenses qu'ils prélèvent sur leurs biens au profit de leurs femmes.
[...]
Si vous craignez d'être injustes envers les orphelins, craignez également d'être injuste à l'égard des femmes. Épousez deux, trois ou quatre femmes parmi celles que vous trouverez agréables. Si vous craignez de ne pas être équitable envers elles, n'épousez qu'une femme, ou encore une esclave en votre possession plutôt que de vous charger de famille.
[...]
Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de ramener leurs voiles sur elles. Ce sera pour elles le moyen le plus commode de se faire connaître et de ne pas être offensées. Dieu est plein d'indulgence et de compassion.
[...]
Croyants, repentez vous tous à Dieu pour que vous soyez heureux.

Mahomet  VIème siècle



Tu habites là, dans mon cœur, où résident, venant de Toi, des secrets. Bienvenu sois-tu, pour cette demeure! Bienvenu, plus encore, pour qui l'avoisine ! Car en dedans, nul n'y est plus que Toi-même, suprême secret que j'y devine. Ah ! regarde de Tes propres yeux, dans la maison y a-t-il encore un intrus ?[...] Me voici consentant, si tu veux, à ma mort, désormais, cher meurtrier, ce que fixe Ton choix, cela, je le choisis.
[...]
Les états d'extase divine, c'est Dieu qui les provoque tout entiers, quoi-que la sagacité des maîtres défaille à le comprendre.
L'extase, c'est une incitation, puis un regard [de Dieu] qui croît et flambe dans les consciences.
[...]
Unifie-moi, ô mon Unique, en me faisant vraiment confesser que Dieu est Un, par un acte où aucun chemin ne serve de route ! Je suis vérité en puissance, et comme la Vérité en acte [al Haqqu] est son propre potentiel, que notre séparation ne soit plus !
[...]
Ô toi qui poses des questions sur notre aventure; si tu nous avais vus, tu ne nous différencierais plus, je suis devenu Celui que j'aime, et celui que j'aime est devenu moi; nous sommes deux esprits, infondus en un [seul] corps pour nous, depuis que nous sommes en confiance mutuelle , les gens mettent notre légende en proverbes, lorsque tu m'as aperçu, tu L'a aperçu[...]. Son esprit est mon esprit, et mon esprit est Son esprit; nous sommes deux esprits vivant en un [seul] corps.

Hallaj  IXème siècle



Et voilà ce qu'est le bonheur : il consiste en ce que l'âme humaine parvienne à l'extrême perfection de l'existence, de sorte qu'elle n'ait plus besoin de matière pour subsister.

Al-Farabi  IXème siècle



L'Etre nécessaire connaît toutes choses telles qu'elles sont et Il les connaît par la totalité de leurs causes - et cela parce qu'il connaît les choses non par les choses mais par Lui-même, du fait que toutes procèdent en Lui et que leurs causes procèdent aussi de Lui. Donc en ce sens, Il est sage et Sa sagesse est identique à Sa science.

EXAMEN DU FAIT QUE LE PLAISIR SUPRÊME
ET LA PLUS GRANDE FÉLICITÉ
SONT L'UNION A L'ÊTRE NÉCESSAIRE,
BIEN QUE, POUR LA PLUPART,
LES HOMMES S'IMAGINENT
QUE D'AUTRES CHOSES SONT PLUS AGRÉABLES.

Avicenne XIème siècle



L'univers, en la totalité de ses parties, est une seule nature, parce que l'agent de toutes les parties de l'univers est Un, quand bien même à chacune de ces parties s'applique u nom différent selon son activité. De même, l'âme du microcosme est une; pourtant ses actes, dans ce microcosme, selon les instruments qu'elle emploie, sont multiples.
[...]
N'aie nul espoir d'être guidé par ce bas-monde : c'est le diable. N'en attends nul bon fruit : pas plus qu'un platane, il n'en donnera.[...] Ta vie précieuse est une dette que tu contractas envers Dieu
[...]
Ô toi qui te laisse séduire par argent, pouvoir et jeunesse, tu n'as pas lieu de tirer gloire de ces trois choses, nullement. S'enorgueillir de sa beauté, de son argent convient aux femmes; la gloire est, pour toi et pour moi, savoir, jugement, dignité.
[...]
Le vrai chevalier, c'est celui qui prend pour coursier l'éloquence; on ne devient pas chevalier parce que l'on monte un cheval. Ma poésie est comme un arbre fameux, dont les fleurs et les fruits seraient aux yeux de la raison subtilité et sens caché.

Nasir  XIème siècle


Aujourd'hui tu n'as pas accès à demain
et le souci que tu t'en fait n'est que chimère.
Si ton cœur est sage, ne gâte pas ce souffle présent,
car ce qui reste de vie est le seul bien précieux.
[...]
De la Terre à Saturne,
j'ai résolu tous les problèmes,
j'ai évité pièges et embuscades,
j'ai défait chaque nœud, sauf celui de la mort.
[...]
De tous ces voyageurs sur cette longue route, qui donc est revenu pour dire son secret ? Au bout de ce chemin de désir et de peine, holà! ne laisse rien : tu n'y reviendras plus !

Khayyam XIIème siècle


[...]
En effet, ce qu'exige l'extrême amour de Dieu Très-Haut, c'est que celui qui se connaît lui-même connaisse son Seigneur et sache parfaitement qu'il ne saurait exister par lui-même, en lui-même. Assurément, son existence elle-même, la durée de son existence, la perfection de son existence sont de Dieu, pour Dieu, par Dieu. C'est Lui qui a crée, pour Lui, l'existence, c'est Lui qui le fait subsister, c'est Lui qui rend parfaite son existence en créant les attributs de la perfection [...].
Si celui qui s'aime se connaît lui-même, il saura que son existence ne tire pas sa plénitude d'un autre que Lui. C'est une nécessité qu'il aime celui qui crée la plénitude de son existence et la fait persévérer.[...] S'il ne L'aimait pas ce ne pourrait être que par ignorance de soi-même et de son Seigneur; L'amour est le fruit de la connaissance.
[...]
Et ce qui est connu de plus élevé, c'est Dieu Très Haut, et sans aucun doute, la science la plus belle, la plus excellente est la connaissance de Dieu Très Haut.
[...]
Celui qui scrute la vérité à partir des mots peut être désorienté par la multiplicité des expressions et s'imaginer qu'ils s'appliquent à des réalités également multiples. Mais celui à qui la vérité s'est révélée clairement considère essentiellement les réalités, et les mots pour lui sont secondaires. Pour celui dont l'intelligence est plus faible, c'est l'inverse, car il part des mots pour trouver la vérité.
[...]
Jeune homme ! Ne sois pas avare d'actes vertueux ni d'états mystiques, et soit sûr que la science théorique n'apporte aucune aide.
Jeune homme ! Connaissance sans pratique est folie ! Pratique sans connaissance, inutilité.

Al-Ghazali  XIème siècle



[...]Ou encore un homme qui pendant dix jours a eu soit, à quel point lui faut-il, d'entre toutes les choses, de l'eau ?
Il faut que l'homme ait à ce même point besoin de Dieu pour que les mystères lui soient révélés.
[...]
Poursuivre tantôt un désir, tantôt un autre n'est qu'égarement.

Une pierre et une motte de terre tombèrent un jour dans la mer.
La pierre se mit à gémir : "Hélas ! me voilà noyée ; je ne pourrai me plaindre qu'au fond de la mer."
La motte, elle, s'anéantit ; je ne sais ce qu'elle devint.
Sans langue, elle, parla, et les initiés l'entendirent lorsqu'elle dit : "Il ne reste plus rien de mon moi dans les deux mondes. De mon être il ne subsiste pas la moindre parcelle. On ne verra plus mon âme ni mon corps ; tous deux sont fondus dans la mer qui, elle, est clairement visible. Si tu prend la couleur de la mer tu deviendras dans son sein la perle qui brille dans la nuit. Mais tant que tu demeures attaché à ta personne tu ne possèdes ni âme ni sagesse."
[...]
Tant que le bien et le mal t'accompagnent, tu n'auras ni un cœur clairvoyant ni une âme consciente ;
Mais lorsqu'ils t'auront quitté l'un et l'autre, ton âme sera absorbée dans le secret de la sainteté.
[...]
Puisqu'il y a unité, il ne peut y avoir dualité ; là ni le moi ni le toi ne peuvent surgir.

Attar  XIIème siècle

vendredi 24 octobre 2014

Sagesse Orientale : Le Japon opus 7



Lorsque je réfléchis à ce que doit être un samouraï, je suis convaincu qu'il doit être intime avec l'idée de la mort, mais la voie de la mort  n'est pas le seul fait des samouraïs.
[...]
Tant que l'on ne connaît pas la Voie véritable,  chacun croit avancer sur le bon chemin et se croit dans le vrai sans s'appuyer sur les lois du Bouddha ni les lois de la terre. Mais lorsque nous les regardons avec les yeux de la Voie véritable de l'esprit et selon les grandes règles du monde humain, on les voit trahir la Voie véritable à cause de leur propre égoïsme et de leur mauvaise vue. Connaissez l'Esprit ! Reposez-vous sur le domaine franchement juste ! Faites de l'esprit réel la Voie ! Pratiquez largement la tactique ! Ne songez qu'à la justice, à la clarté et à la grandeur ! Faites du vide la Voie ! Et considérez la Voie comme "vide" ! Dans le "Vide" il y a le bien et non le mal. L'intelligence est "être"; Les principes sont "être". Les voies sont "être". Mais l'esprit est "Vide".
Ceux qui veulent connaître ma tactique doivent obéir aux principes suivants selon lesquels ils peuvent pratiquer la Voie :
1) Eviter toute pensée perverse.
2) Se forger dans la Voie en pratiquant soi-même (et non par le jeu des idées).
3) Embrasser tous les arts (et non se borner à un seul).
4) Connaître la voie de chaque métier ( et non se borner à celui que l'on exerce soi-même).
5) Savoir distinguer les avantages et inconvénients de chaque chose.
6) En toutes choses s'habituer au jugement intuitif.
7) Connaître d'instinct ce que l'on ne voit pas.
8) Prêter attention aux moindres détails.
9) Ne rien faire d'inutile.
[...]
Si nous possédons bien cette tactique, même seuls face à vingt ou trente adversaires, ceux-ci ne pourront venir à bout de nous.

Le traité des cinq roues  XVIème siècle


[C'est l'ermite Ultra-Vide qui parle] :
Ne blessez pas les insectes là où vous posez les pieds et les mains ; ne projetez ni sperme ni humeurs hors de votre corps. Éloignez celui-ci des puanteurs et de la poussière ; coupez dans votre esprit la convoitise et les désirs égoïstes. Cessez de regarder les choses se trouvant au loin, ne permettez pas aux bruits de pénétrer vos oreilles, cessez les bavardages oisifs, ne laissez pas les épices entrer en contact avec votre langue. Développez piété filiale et loyauté, bienveillance et compassion. D'un coup de pied, rejetez au loin les richesses, comme on se débarrasse d'une écharde ; face aux honneurs du rang, ayez l'attitude qu'on a quand on se sépare d'un soulier de paille usé. Que les regards que vous portez sur les femelles aux hanches fines soient les mêmes que ceux portés aux démons, et que celui qui s'attache aux rangs et salaires soit semblable au rat en décomposition. Soyez calmes et sans agir ; tranquilles et sans désirs. Diminuez le nombre de vos actes. Quand vous aurez réalisé cela, l'étude sera facile.
[C'est le moinillon Nom d'Emprunt qui parle] :
[...]
Le filet des constances fut révélé par Confucius :
Qui s'y conforme peut entrer dans le gouvernement ;
Lao-Tseu enseigna la loi des métamorphoses ;
Qui la suit parvient au pinacle sublime.

La loi du véhicule unique du Mahayana
Contient un sens infiniment profond et mystérieux;
Cumulant le salut pour soi et pour les autres
Elle n'oublie ni les oiseaux, ni les animaux.

Kukaï  VIIIème siècle



La mise en mouvement de la grande Roue de la Loi tient [...] dans un grain de poussière. Aussi la devise "l'esprit en tant que tel est le Bouddha" n'est-elle que le reflet de la lune dans l'eau. De même, le principe selon lequel "en s'asseyant on devient Bouddha" n'est qu'un reflet dans un miroir. Ne vous laissez pas prendre au piège des mots. En recommandant, comme je le fais maintenant la pratique qui consiste à réaliser directement l'éveil, je vous indique la Voie profonde transmise directement par les Bouddhas patriarches, pour vous aider à devenir d'authentiques adeptes de la Voie.
D'autre part, pour recevoir et transmettre la Loi bouddhique, il faut prendre pour maître quelqu'un qui ait parfaitement réalisé.
[...]
Apprendre la Voie bouddhique, c'est s'apprendre soi-même. S'apprendre soi-même, c'est s'oublier. S'oublier, c'est être attesté par tous les dharmas. Etre attesté par tous les dharmas, c'est dépouiller corps et esprit, pour soi-même et pour les autres. C'est voir disparaître toute trace d'éveil, et faire apparaître constamment cet éveil sans trace.
Qui s'enquiert de la Loi bouddhique s'en trouve aussitôt éloigné de mille lieues. Mais lorsque la Loi lui est transmise correctement, il est sur-le-champ un homme à part entière.

Dogen  XIIIème siècle



Ou placer l'esprit ? Si on place l'esprit dans un mouvement physique de l'adversaire, il s'y prend. Si on le place sur le sabre adverse, il s'y prend. Si on le place dans la volonté de pourfendre l'adversaire, il s'y prend.[...] En tout cas, il n'y a aucun lieu où placer l'esprit.[...]
Alors, où placer l'esprit ? Je répondis : "Si vous ne le placez nulle part, il remplit votre corps entier et il s'étend à la totalité de votre corps.[...] Rendez l'esprit omniprésent dans votre corps, ne le fixez pas sur un endroit, mais servez-le convenablement à chaque endroit."
Il faut faire toutes choses en faisant disparaître totalement les pensées. C'est du niveau de l'expert.[...]
Tant qu"on ne peut pas oublier totalement ces pensées [faire attention à ses pas] , on ne peut prétendre à la totale possession de cet art [la danse].
[...]
Qu'on ne se réjouisse pas de la victoire et qu'on ne se fâche pas d'avoir perdu ! Il faut avoir cet esprit. Ne vous engagez pas dans un conflit en rêve et devenez un homme qui ne gagne ni ne perd...
[...]
Si on comprend la Voie, l'intelligence se manifeste dans tous les domaines.
[...]
J'ai compris cette opération spirituelle et je ne m'occupais ni de victoire, ni de perte. Je traitais tout incident l'esprit tranquille. Ainsi, j'ai échappé à des assassins et à des violents, ou bien j'ai pris en charge des situations difficiles. J'étais dans cette tranquillité spirituelle grâce à deux voies : celle de l'escrime et celle du zen.

Takuan  XVIIème siècle


Les êtres sensibles sont, à l'origine, tous des bouddhas :
C'est comme la glace et l'eau,
Sans eau, il ne peut y avoir de glace ;
Sans êtres sensibles, où trouvons-nous les bouddhas?
Ignorant que la vérité est toute proche,
Les gens la cherche bien loin - quel dommage !
Ils sont comme celui qui, au milieu de l'eau,
Crie de soif, suppliant qu'on lui apporte à boire;
Ils sont comme le fils d'un homme riche
Qui se promène parmi les pauvres.
[...]
De la pratique de la méditation proviennent les vertus de perfection telles que la charité, la moralité, etc.
[...]
Même si l'on s'entraîne une seule fois à la méditation assise,
On verra le mauvais karma volatilisé;
Nulle part on ne trouvera plus les chemins du mal
[...]
Ceux qui, ainsi retournés en eux-même, témoignent de la vérité de la Nature Propre,
Et de la vérité que la Nature Propre est une non-Nature,
Ceux-là auront vraiment dépassé le domaine de la sophistique.
[...]
Devant eux s'ouvrent les portes de l'unicité de la cause et de l'effet,
Et se déploie le chemin de la non-dualité et de la non-trinité.
[...]
Ils restent pour toujours immobiles;
Ils saisissent la non-pensée qui se trouve dans les pensées,
[...]
La Vérité éternellement paisible se révèle à eux,
Et cette terre est devenue le Pays de Lotus de Grande Pureté
Et ce corps-ci est le corps de Bouddha
[...]
Si l'on me demande : "Qu'est le véritable esprit de méditation ? " je répondrai qu'il consiste à maintenir en tout temps un cœur bienveillant et compatissant [quelles que soient les circonstances].
[...]
L'art de conserver la vie est comparable à l'art de protéger un pays. Ce que nous appelons "l'esprit" serait le prince, ce que nous appelons "l'âme" serait un ministre d'Etat et ce que nous appelons "la pensée" serait la population. Tout comme la population est le moyen de perfectionner l'Etat, le soin porté au traitement de l'âme et de la pensée est le moyen de perfectionner le corps. Quand le peuple est mené à la dilapidation, le pays périt. Quand la pensée est exténuée, le corps meurt. C'est pourquoi un prince sage met au fond de son propre cœur [ses désirs].

Quand, dans le bas de l'abdomen, tout est établi aussi immuablement qu'un rocher, avec une persistance intense, alors on n'y trouvera pas un iota de pensée illusoire, pas un atome de désir ou de convoitise[...]. Alors, le ciel et la terre sont à vos ordres, l'univers est le coursier que l'on monte[...]. Bouddha lui-même ne pourrait insérer ses mains à l'encontre d'un tel homme[...]. jour après jour, celui-là pourrait accomplir dix mille bonnes œuvres sans fatigue. On l'appellera un enfant reconnaissant du Bouddha.

Hakuin  XVIIème siècle 


Quand donc l'Occident comprendra-t-il, ou essaiera-t-il de comprendre l'Orient ?
[...]
N'est-il pas étrange, en tout cas, que de si loin l'humanité se soit rencontrée autour d'une tasse de thé ? Voilà le seul cérémonial asiatique qui emporte l'estime universelle. L'homme blanc a raillé notre religion et notre morale, mais il a accepté sans hésitation le breuvage doré.
[...]
Tous nos grands maîtres de thé furent des adeptes du Zen et ils s'efforcèrent d'introduire dans les choses actuelles de la vie l'esprit du Zennisme. Aussi la Chambre de thé et tous les objets nécessaires à la cérémonie du thé sont-ils comme le reflet des doctrines Zen.

Okakura  XIXème siècle



"Je découvris que la Voie du samouraï, c'est la mort".
[...]
"Il est donc essentiel de faire les choses de façon convenable en toute époque".
[...]
Depuis les temps anciens, les samouraïs ont presque tous été des non conformistes, fermes dans leurs dessins et courageux.
[...]
L'image qui a longtemps enrichi l'art japonais n'est pas celle d'une mort rude et sauvage, mais celle d'une mort par delà laquelle jaillit une source pure qui ruisselle constamment sur notre monde en minces filets purificateurs.
[...]
Même le suicide, qui est apparemment la manifestation ultime du libre arbitre, laisse, dans le processus même qui rend la mort inévitable, un rôle au destin, sur lequel personne n'a de prise.
[...]
A en croire certains, mourir sans avoir accompli sa mission, ce serait mourir en vain.
[...]
"La Voie du samouraï est une passion pour la mort. Il arrive que dix hommes ne puissent venir à bout d'un seul s'il est possédé d'une telle passion".

Mishima XXème siècle



L'essence de la sagesse peut être trouvée par la concentration sur le vide omniprésent, pur et silencieux où tout est vérité.

Le secret du Zen consiste à s'asseoir, simplement, sans but ni esprit de profit, dans une posture de grande concentration.Cette assise désintéressée est appelée za-zen, za signifiant s'asseoir, et zen méditation, concentration. L'enseignement de la posture, qui est transmission de l'essence du Zen, a lieu dans un dojo (lieu de la pratique de la Voie). Il est le fait d'un maître, initié traditionnellement, dans la lignée des patriarches et du Bouddha. La pratique du za-zen est d'une grande efficacité pour la santé du corps et de l'esprit.[...] Le Zen ne peut être enfermé dans un concept, ni rendu par la pensée, il demande à être pratiqué ; c'est, essentiellement, une expérience.
[...]
Ici et maintenant, notion clef; l'important est le présent. La plupart d'entre nous avons tendance à penser anxieusement au passé ou à l'avenir, au lieu d'être complètement attentifs à nos actes, paroles et pensées du moment. Il convient d'être complètement présent dans chaque geste; se concentrer ici et maintenant, telle est la leçon du Zen.
[...]
Le Maître Zen comprend dès la première parole et par le ton de la voix. Le langage n'est pas si important.[...] Le langage peut tourner en vaines discussions, c'est pourquoi le Maître Zen a toujours un bâton !
Ne pas laisser de traces par le langage.
Le silence est ce qu'il y a de mieux.
[...]
Dans notre soto Zen, l'essentiel est de voir dans l'ego vrai, l'ego naturel, l'esprit pur, l'ego pur. Sur le kyosaku, le bâton de méditation, il est écrit : "Nous devons voir en notre vrai nous-même; c'est à dire voir en vérité , dans notre esprit"
[...]
Ainsi l'esprit devient ataraxique, c'est à dire sans trouble, calme, non entravé par les conventions, non esclave d'une formule; il devient ouvert, libre, non gêné par les formalités, il agit ouvertement, franchement, indépendamment, il devient innocent, naïf, simple, mais non insensible. L'esprit devient inépuisable, intarissable, illimité. Il accède au désintéressement mais ne tombe pas dans l'oisiveté. Il ne s'attache plus à rien, il a rompu l'attachement à la vie, aux biens et aux circonstances de la vie et, comme il a déjà été dit, il abandonne toutes choses et il obtient toutes choses, car le rien est inépuisable : mu ichimotsouchu mujinzo.
[...]
Cette attitude scientifique, attitude spécifiquement occidentale et qui mène à une connaissance discursive, est une fonction du cortex, la matière grise du cerveau, et cette connaissance, qui n'est que relative, n'a rien à voir avec la sagesse. C'est uniquement une connaissance de relation et de mémoire.
Le satori, vérité absolue, a pour moyen, pour siège, la région centrale du cerveau ou centrencéphale.
Evidemment, les fonctions de cette région limité ne sont pas la sagesse illimitée, car Prajna est illimitée : le centrencéphale est la porte de Prajna.
Par le za-zen, les activités du cortex, de la matière grise s'assoupissent, et le centrencéphale peut alors fonctionner, se développer, permettant d'atteindre la connaissance illimitée. Za-zen est donc absolue vérité et non vérité relative. Pratiquer za-zen, c'est atteindre le satori.
[Parlant du nucléaire] Pourquoi la science a-t-elle conduit à cet énorme danger ? Parce qu'elle a commis la faute de séparer la matière du temps et de l'espace, alors qu'en réalité les trois sont unis.

Deshimaru XXème siècle
  

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