La liberté n'est pas à priori le but du Tao, elle vient en prime. En effet, l'homme du Tao se comporte comme le Tao et suit donc son exemple, on a vu mieux en terme de liberté ! Il reste que le Tao incite à ne pas agir pour soi-même et à ne rien désirer. Et, on va le voir cette attitude libère l'homme.
En effet, ne rien désirer dédouane l'homme de ses désirs, et ce n'est pas rien ! Tout ou presque toute les actions du quotidien émanent d'un désir. Exemple, il fait trop froid, j'ai le désir d'avoir chaud, résultat, je ferme la fenêtre et je monte le chauffage, en prime, j'écris une lettre au propriétaire pour qu'il refasse l'isolation de mon appartement. Si l'on regarde bien ces trois actions répondent au désir d'avoir chaud et elles sont faites dans la foulée l'une de l'autre, car le désir n'est pas satisfait. L'homme du Tao a froid lui aussi, instinctivement il ferme la fenêtre et met un pull, il a conscience de la présence du radiateur mais ne
s'en sert que si nécessaire et il n'écrira une lettre au propriétaire que si le froid perdure montrant un défaut d'isolation. Bien qu'il soit instinctif, l'homme du Tao a une réaction plus réfléchie, c'est que ce dernier n'est pas sous l'emprise de ses désirs. Si je fais tomber une fourchette en la mettant sur la table, peu importe sa destination qui était la table, peu importe ce désir, la fourchette est par terre, j'accepte cette réalité, et je la ramasse sans pester outre mesure. Le fait d'être sans désir libère de la volonté (du désir) que la fourchette soit sur la table et non par terre. Et cette libération du "Non Désir" est de tous les instants, car cela revient à accepter le moment présent indépendamment de ce qu'il advient. Finalement, ce qui nous entrave c'est notre désir, c'est lui le dictateur, c'est lui l’oppresseur.
Ne rien désirer de la sorte conduit l'homme à une forte humilité vis à vis de sa condition, tout lui va, il accepte tout et il ne revendique rien car il sait que tout vient du Tao. Et il le sait parce qu'il a fait le lien entre le Tao qui est en lui et toute chose, il a fait le lien entre lui et autrui. Ou plutôt il a rétabli un lien qui n'aurait jamais du le quitter depuis sa naissance.
Ce lien, c'est le Tao et tous les êtres sont frères et tous les biens sont à tout le monde. De plus étant sans désir, je n'ai de vues sur personne et je ne convoite rien. Seuls mes besoins sont à satisfaire. Ainsi, si je suis dans la jungle et que j'ai faim, je vais me confectionner un arc et des flèches, et je vais me mettre à l'affût d'un gibier et le Tao va se manifester m'indiquant la proximité de ce gibier, me donnant ainsi une chance de l'attraper. Mais le Tao est ainsi fait que le gibier sera lui aussi prévenu de ma présence et lui conseillant de détaler. C'est donc le plus attentif qui a des chances d'être vainqueur.
Le Tao est un lien ténu certes mais qui existe. Et c'est justement parce qu'il nous libère que le Tao nous offre un total libre arbitre. Nous sommes libre de tuer toute la famille sanglier, si tel est notre désir, mais nous savons au fond de nous même que ce n'est pas raisonnable, et qu'une bête suffira. C'est notre conscience qui est ici à l'oeuvre, et c'est au plus intime de cette conscience qu'oeuvre le Tao.
Le Tao est un lien tellement faible, tellement vide pourrait-on dire qu'il laisse à chaque être le loisir de s’épanouir, libre à lui de succomber au désir ou pas, c'est le parfait libre arbitre. Celui qui suit le Tao sait qu'il n'est pas libre car il évite le désir, mais en retour de ce qui est au début une discipline puis qui devient une façon d'être il retire un bénéfice qui est de l'ordre de la transcendance. Car avec le Tao, il s'accorde sur la Nature, il se met au diapason et vibre sans compter. Alors bien sûr c'est au sacrifice de ses désirs et de ce qu'auraient pu être certains de ses actes (Tchouang Tseu aurait pu être ministre s'il n'avait préféré s'ébattre dans la boue) que l'homme suit le Tao, mais en retour il devient plus naturel, plus authentique. N'est-ce pas là la vraie liberté ?
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